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DÉROUTE DU NABAB

de l’ennemi ; sans s’arrêter à faire une reconnaissance, il s’élança dans la rivière qu’il savait guéable, escalada l’autre rive sous le canon de l’ennemi, et commanda la charge. L’effet fut électrique. L’ennemi tourna bride immédiatement, se précipita en désordre dans Saint-Thomé, et une fois à l’abri derrière ses fortifications, tenta de résister. Mais Paradis n’était pas homme à laisser la besogne à moitié faite : il poursuivit l’ennemi avec vigueur et faisant halte devant la ville, tira sans interruption sur les masses qui obstruaient les rues. Les Indiens n’avaient plus qu’une pensée, se sauver. Leur grand nombre était un obstacle de plus à leur salut et ce ne fut qu’après bien des pertes, que les derniers réussirent à se soustraire à la mort. À peine se croyaient-ils sauvés, qu’ils furent assaillis par un nouvel ennemi. La garnison de Madras, en apprenant l’approche de Paradis, s’était hâtée de voler à son secours. Elle arriva en temps pour couper la retraite aux troupes de nabab, qui essuyèrent la plus complète déroute. Dès la première charge des Français, le général Maphuz Khan avait pris la fuite ; son principal corps d’armée se trouvant sans chef, frappé de terreur par l’impétuosité des ennemis et perdant tout espoir de prendre Madras, suivit l’exemple du général et ne s’arrêta qu’après avoir dépassé cette ville de plusieurs milles, dans la direction d’Arcate.

On peut affirmer que, parmi les brillants faits d’armes qui eurent lieu dans l’Inde, aucun ne fut plus mémorable que celui-ci ; jamais on ne vit déployer une audace égale à celle de Paradis, et, de mémoire d’homme, aucune victoire semblable n’a été remportée par des forces aussi disproportionnées. Ce qui la caractérise surtout, c’est qu’elle a été la première en ce genre, et qu’elle a prouvé, à la surprise des deux parties belligérantes, quelle immense supériorité la discipline donne aux soldats européens sur leurs antagonistes asiatiques.

Jusqu’à cette époque les princes indiens, se fondant sur leur position de seigneurs du sol ou de satrapes du Mogol, sur leur nombreux état-major et sur leur pouvoir incontesté, s’étaient arrogé une supériorité qu’aucun des colonisateurs européens n’avait jamais eu la pensée de leur disputer. De la part des Français