conséquemment comprises dans les calculs les mieux réfléchis. Il n’est donc pas vrai que tout le génie, toute la force de caractère, toute la valeur soient du côté des vainqueurs. On a vu le génie forcé de succomber en présence d’une combinaison d’incidents en apparence insignifiants, mais contre lesquels il n’avait pas été possible de se prémunir et qui, se manifestant soudainement, au moment où l’on s’y attend le moins, nous forcent de reconnaître le pouvoir de la suprématie providentielle qui, agissant avec ses propres instruments, et en vue de ses desseins particuliers, arrange et dirige les destinées des nations.
Malgré cette théorie, il y a toujours dans les actions humaines beaucoup de circonstances dont il faut tenir compte et qui s’expliquent par des causes naturelles. Bien des conséquences découlent du caractère, soit du pouvoir dirigeant, soit des instruments qu’il emploie pour exécuter sa politique, et c’est à ce point de vue que l’histoire des Français dans l’Inde offre une étude des plus instructives et des plus intéressantes : elle est intéressante parce que les grandes actions des hommes illustres charment et excitent toujours l’imagination ; elle est instructive parce que nous y trouvons grandement développée la mesure de l’initiative individuelle, la révélation du génie et du caractère particulier de chaque nation. La scène est placée à une époque assez éloignée de la nôtre pour que nous voyions clairement les acteurs dirigeant leurs habiles intrigues et engagés dans des négociations complexes ; nous avons sur eux l’avantage d’une perception nette des motifs qui les inspiraient et des causes qui les faisaient agir. Cette époque, féconde en événements, est si riche en détails que son histoire offre tout l’intérêt et tout l’entraînement d’un roman, et encore n’existe-t-il pas d’ouvrage de ce genre dont les personnages aient osé concevoir des projets aussi étendus et aussi profonds que ceux dont les héros de cette histoire furent les auteurs. Un autre trait caractéristique, c’est que les hommes qui s’y distinguèrent ne se bornèrent pas à concevoir de vastes plans, mais qu’ils surent les conduire jusqu’à la veille du succès, et que leurs revers eurent pour conséquence de faire tomber ces plans entre les mains d’une nation rivale qui, stupéfaite, interdite à la vue de leur grandeur, se refusa
