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LES PREMIERS FRANÇAIS DANS L’INDE

à asservir le vaste empire du Mogol à une volonté européenne ; ce fut encore un homme d’État français qui conçut l’idée de conquérir l’Inde avec l’aide des Indiens, d’armer, de discipliner, d’instruire les indigènes à la manière des soldats européens, créant ainsi le germe de cette armée cipaye devenue depuis si fameuse. Ils étaient français, ces soldats qui, les premiers, démontrèrent sur le champ de bataille, la supériorité d’une poignée d’Européens disciplinés, sur les hordes asiatiques dépourvues d’instruction. Si nous considérons les grandes œuvres accomplies par la France sur le sol de l’Indoustan, si nous lisons les nombreux exemples de conceptions puissantes, d’actions héroïques, de vigueur intellectuelle et d’indomptable énergie déployée par ses enfants, nous ne pouvons qu’être profondément surpris de l’anéantissement soudain d’espérances aussi belles, de plans aussi vastes et aussi bien assis. Il peut y avoir, et de fait il y a toujours, de nombreuses excuses pour le mauvais succès ; quelquefois l’échec doit être attribué uniquement à la supériorité du talent, du génie, de la force de caractère de l’un des adversaires ; ce peut encore être l’intervention hostile d’un tiers ou son manque de foi qui amène un semblable résultat. Mais il est aussi d’autres causes purement accidentelles, qui souvent exercent une influence encore plus décisive : une attaque de dyspepsie empêcha la destruction de l’armée russe à Borodino, et causa ainsi l’anéantissement des soldats de Napoléon dans les glaces de la Russie. Un mouvement maladroit du maréchal Marmont, animé du fiévreux désir d’accaparer toute la gloire d’expulser les Anglais de l’Espagne, amena la bataille de Salamanque, qui fut le fait déterminant de la guerre de la Péninsule. L’orage qui eut lieu dans la nuit du 17 juin, entrava matériellement les mouvements de l’Empereur français à Waterloo et contribua grandement au résultat de cette terrible bataille. La mauvaise direction d’une dépêche amena la bataille de Navarin ; et l’on croit à Vienne que si le général autrichien ne s’était pas trouvé, par accident, absent de son poste, Napoléon III eût été fait prisonnier à Magenta. Le sort d’un peuple est souvent modifié ainsi par bien des causes, les unes naturelles, les autres dépendant de la constitution personnelle d’un homme ; il en est d’autres enfin qui ne sauraient être prévues et