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L’INDE FRANÇAISE À SON ZÉNITH

dangers, sans chances de butin. Dupleix avait alors si peu d’officiers à sa disposition, qu’il ne pouvait penser à châtier les mécontents. Il fit donc appel à leur honneur, en leur demandant de se conduire comme des soldats et des Français devant l’ennemi. Cet appel ne trouva pas d’écho. Dans la soirée du même jour où les deux armées avaient échangé leur première canonnade, le 3 avril, treize officiers se rendirent en corps près de M. d’Auteuil, et déposant leurs commissions, refusèrent le service. Mais là ne se bornait pas le mal. Non contents de se refuser au combat, ces officiers avaient engagé les soldats qu’ils commandaient à suivre leur exemple. Par une bassesse qui heureusement n’a pas eu sa pareille, ils avaient aussi réussi à semer parmi les soldats des germes de désaffection et de méfiance. Les Cipayes à la solde de la France ne purent voir sans émotion la défection de ceux qu’ils étaient habitués à regarder comme leurs chefs de file ; le doute, l’hésitation s’étaient répandus dans leurs rangs, et à la veille d’une bataille qui, si elle était perdue, aurait les plus funestes conséquences pour l’établissement français, d’Auteuil se trouva commander une armée complètement démoralisée, et en laquelle il ne pouvait avoir aucune confiance s’il la conduisait en face de l’ennemi.

Peu d’hommes se sont trouvés dans des circonstances plus difficiles et exigeant une décision plus prompte. Conserver sa position et rencontrer, avec une armée aussi mal disposée et les troupes de ses alliés, l’innombrable armée de Nazir-Jung, des Mahrattes et des Anglais, c’était courir à une perte certaine. Ses hommes ne voulaient pas se battre, et en se retirant, ils entraîneraient les indigènes. Il n’était que trop probable qu’une semblable déroute encouragerait l’ennemi à faire une nouvelle tentative sur Pondichéry. Au contraire, si les troupes se retiraient de nuit, l’armée serait conservée pour l’avenir, et garantirait la sécurité de la capitale. Cependant, avant de prendre une résolution définitive, d’Auteuil voulut tenter un dernier effort pour ramener l’armée dans le devoir. Ses remontrances et ses menaces n’eurent pas plus de succès que ses sollicitations. Le poison de la méfiance s’était répandu dans les rangs ; les officiers mutinés avaient persuadé à leurs soldats qu’ils seraient inévitablement sacrifiés en luttant contre une armée