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L’INDE FRANÇAISE À SON ZÉNITH

trouvait par cette défaite réduit à fuir avec ses deux compagnons, et à chercher un refuge dans Arcate. De leur côté, les Anglais de Mahomed-Ali, sur le point de perdre leur commandant, le major Lawrence, qui allait retourner en Angleterre, étaient, par cette même bataille, réduits à une inaction forcée ; car, n’étant pas en guerre avec la France, ils se voyaient enlever, par la dispersion de l’armée de Mahomed-Ali, le prétexte de secourir un allié indigène.

Il est vrai cependant que Nazir-Jung exerçait encore les fonctions de soubab du Décan et qu’il était leur allié ; mais, plongé dans la débauche et se livrant sans bornes au plaisir de la chasse, il abandonnait la direction des affaires à ses ministres et à ses nobles, dont les principaux étaient déjà, par les intrigues de Dupleix, gagnés aux intérêts de la France. Tandis que l’armée qu’il avait donnée à Mahomed-Ali était détruite sur le champ de bataille, il demeurait inactif dans Arcate, ne soupçonnant pas qu’il fût en danger, et ne voulant pas croire à la possibilité de se retrouver en face de cette même armée qu’il avait vue fuir à Valdaour. Dupleix voulait mettre à profit cette molle oisiveté qu’il avait favorisée par tous les moyens et la consternation qu’avait inspirée aux partisans de Mahomed-Aii la victoire de d’Auteuil. Il envoya à celui-ci l’ordre de détacher, sous les ordres de M. de Bussy, une force suffisante pour s’emparer de la forteresse de Gingi, située à cinquante milles dans les terres, et dont la possession devait, selon lui, décider du sort du Carnate.

La ville de Gingi, entourée d’épais murs et flanquée de tours, est située au pied de trois montagnes qui forment les faces d’un triangle équilatéral ; chacune de ces montagnes était défendue par une citadelle élevée à son sommet, et les côtés étaient protégés par des rochers à pic, dans lesquels la main des hommes avait pratiqué des sentiers, seuls passages qui donnassent accès dans la ville. Une ceinture d’ouvrages avancés contribuait encore à en rendre l’approche extrêmement difficile, et il n’y avait rien d’étonnant à ce que les indigènes regardassent Gingi comme imprenable. Cette réputation en avait fait le lieu de refuge de toutes les armées vainrues, et les débris de l’armée de Mahomed-Ali, au nombre de dix à douze mille hommes, y avaient été chercher la protection qu’une