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L’INDE FRANÇAISE À SON ZÉNITH

amenés, il s’élèverait une ville qui s’appellerait Dupleix-Futley-Abad[1]. Ce dessein, inspiré non par une ridicule vanité, comme l’envie ignorante a voulu le faire croire, mais bien par une politique en parfait accord avec les mœurs du pays, et qui devait produire un effet profond et salutaire sur les Indiens, n’était pas destiné à se réaliser. Les événements furent encore plus grands que ce grand homme. Ce pionnier de la conquête et de la civilisation européenne, dont les plans n’étaient pas, ainsi que le crurent beaucoup de ses compatriotes, trop vastes pour être accomplis, était destiné à les voir tourner au profit de la puissance de ses rivaux. Nous n’aurons que trop tôt à indiquer quel était le seul point faible de cette armure si fortement trempée, le seul défaut de cet immense génie au moyen duquel un grand adversaire, doué de la qualité qui manquait à Dupleix, sut renverser l’édifice de ses projets avant qu’il eût pu le mettre à l’épreuve de l’attaque.

La Compagnie fit parvenir à Dupleix de pressantes instructions pour qu’il consolidât ses conquêtes par une paix définitive, recommandation superflue, car personne n’était plus convaincu que lui-même de la nécessité d’y arriver. Mais cette paix était impossible tant que Mahomed-Ali, le compétiteur de Mozuffer, serait libre de renouveler ses prétentions. Ce prince, après avoir vu anéantir ses chances de succès par la mort de Nazir-Jung, abandonné des Anglais et de ses adhérents, s’était enfui seul, et avait cherché un refuge dans les murs de Trichinopoly. Dupleix, qui savait combien étaient lentes et embarrassées les opérations d’une armée indigène attaquant une ville fortifiée, désirait vivement entrer en arrangement avec le noble fugitif, et l’amener au moyen de quelques concessions à reconnaître le nouvel état de choses. Il avait d’autant plus de raisons d’espérer qu’il pourrait arriver au but désiré, que Mahomed-Ali était littéralement abandonné de tous. Sa satisfaction fut donc grande, lorsque Mahomed-Ali lui fit faire des propositions par le rajah Janodgi, officier mahratte qui avait été au service de Nazir-Jung, et avait passé à celui de Mahomed-Ali ; il venait offrir de reconnaître Chunda-Sahib, et de lui remettre la ville de

  1. Lieu de la victoire de Dupleix.