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SON ADROITE POLITIQUE AU DURBAR

Se tournant ensuite vers Dupleix, comme le ferait un vassal à l’égard de son seigneur, il s’engage à ne jamais rien accorder, même une faveur, sans son approbation préalable, et à être en tous points guidé par ses avis. Dans une occasion si tentante, Dupleix sut demeurer fidèle à lui-même et à sa politique. Après une générosité qui, même si elle eût été feinte, ne pouvait que faire une fois de plus éclater son habileté, il fait venir Chunda-Sahib à ses côtés, présente au soubab son ancien ami depuis si longtemps éprouvé, et lui fait observer que, s’il doit être revêtu de la dignité nominale de nabab de tout le pays au Sud du Kistna, l’autorité réelle sur le pays appelé le Carnate et les émoluments y afférents, pourraient être accordés à un prince qui avait montré tant de fermeté et de fidélité. On peut se figurer l’impression qu’une démarche aussi généreuse et aussi désintéressée dut produire sur l’esprit des Orientaux. Celui qui pouvait ainsi distribuer des royaumes, qui du faîte de la prospérité se souvenait de ceux qui lui avaient toujours été fidèles et les en récompensait, faisait preuve de qualités que, même à cette époque barbare, les princes d’Asie savaient admirer s’ils ne savaient les pratiquer. Ils n’avaient, pensaient-ils, rien à redouter d’un homme qui professait des sentiments aussi élevés. Cet acte d’abnégation était suffisant pour les faire acquiescer, sans envie et sans la moindre hésitation, aux concessions accordées à Dupleix, qui se trouvait en réalité le héros du jour ; quand il sortit de cette tente, il était reconnu comme le supérieur du souverain à qui l’Inde méridionale obéissait.

Mais nous n’avons pas énuméré tous les avantages que les Français devaient recueillir de cette visite. Outre ce que Mozuffer-Jung avait promis lors de son installation, il chargea Dupleix de distribuer cinq cent mille roupies aux troupes qui avaient livré la dernière bataille. Une autre somme, également de cinq cent mille roupies, fut versée à la Compagnie comme à-compte sur les fonds dont elle avait fait l’avance ; des sûretés furent données pour le reste. L’augmentation de revenu que procuraient à la Compagnie tous ces arrangements, ne s’élevait pas à moins de quatre cent mille roupies. Pour perpétuer le souvenir de tous ces événements, Dupleix ordonna que, sur le lieu même de la bataille qui les avait