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DUPLEIX AUX PRISES AVEC L’ADVERSITÉ

ne resla pas à Trichinopoly, ce qu’il vit n’était pas encourageant : les hommes étaient démoralisés et avaient perdu toute confiance en leurs officiers, dont pas un ne se faisait remarquer par la capacité ni par le sang-froid. Les Français étaient supérieurs en nombre, et paraissaient décidés à pousser l’attaque avec résolution. La reddition de cette dernière place forte de Mahomed-Ali lui semblait inévitable, à moins qu’on ne réussit à infuser dans les conseils des Anglais une sorte d’énergie révolutionnaire. Il reconnaissait qu’il serait inutile de faire un pareil essai à Trichinopoly ; le sort des Anglais dépendait donc de la manière d’agir qu’adopterait la Présidence ; mû par un désir d’y exercer une influence salutaire, Clive quitta Trichinopoly pour retourner au fort Saint-David.

Le plan conçu par Clive, et qu’il regardait comme pouvant seul assurer aux Anglais la sécurité, était, sans aucun doute, le fruit de son génie plutôt que de ses études ; par le fait, il dérivait d’un principe adopté par les plus grands capitaines, et dont l’application, réalisée par un homme réunissant la prudence à Taudace, ne peut guère manquer de réussir, sauf pourtant dans le cas où l’adversaire est doué lui-même d’un génie exceptionnel ou dispose de forces très-supérieures. Ce principe consiste à déplacer le théâtre de la guerre et à le porter chez l’ennemi. Un général médiocre hésite à prendre un tel parti, malgré les avantages que cela lui promet ; il ne se rend pas assez compte de l’effet moral qu’il ne peut manquer de produire sur les troupes alliées, surtout lorsqu’elles constituent la force principale de son adversaire, souvent même la totalité des ressources dont il dispose. Il ne considère pas que la marche aggressive de l’ennemi est aussitôt paralysée : l’histoire est cependant féconde en exemples de ce genre. Le grand Frédéric lui-même abandonna toutes ses opérations en Saxe au moment critique où il vit les Autrichiens marcher sur Berlin ; si un maître aussi consommé en l’art de la guerre se vit forcé d’agir ainsi, que ne devons-nous pas augurer de l’impression produite en pareil cas sur un homme d’un mérite secondaire ? Si l’effet n’est pas décisif, au moins arrive-t on ainsi à troubler les plans de l’ennemi, et à lui inspirer de sérieuses inquiétudes.