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DUPLEIX AUX PRISES AVEC L’ADVERSITÉ

de tant d’inquiétudes. Quelle fin pour des projets si brillants au début, quelle issue pour des plans si bien calculés, semblait-il, pour être à labri de tout échec ! Alors une seule barrière s’opposait à la domination des Français dans le Carnate. Ils possédaient des forces imposantes, un Gouverneur dont l’influence sur les indigèges était sans exemple, et, pardessus tout, ils avaient le prestige de la victoire. Leur antagoniste était un prétendant abandonné de ses alliés, n’occupant plus qu’une ville fortifiée, avec une poignée d’Anglais démoralisés. Mais, en onze mois, combien la scène avait changé ! Le prétendant est devenu souverain de fait ; les Anglais démoralisés sont les arbitres du Carnate ; l’armée française, naguère victorieuse, est maintenant prisonnière de guerre. D’où est venue cette révolution ? Pouvons-nous découvrir dans la ferme intelligence de Dupleix quelques symptômes d’affaiblissement, de décrépitude ? Loin de là ; jamais il n’a montré plus de constance et de résolution, dans aucune circonstance il n’a manifesté plus de zèle et d’énergie. Ses ordres à Law, ses encouragements à Chunda-Sahib, ses efforts pour communiquer de l’énergie à d’Auteuil, témoignent de l’ardeur de son esprit, du but bien arrêté auquel tendaient toutes ses démarches. Si ses ordres eussent été suivis, si ses commandants avaient agi avec la prudence et l’activité les plus ordinaires, sa politique triomphait, et le génie de la France était victorieux.

Si nous voulons trouver les causes du résultat contraire, il faut tourner nos regards d’un autre côté. Dupleix était un Gouverneur civil qui avait, pour concevoir des plans même militaires, car le génie peut se prêter à tout, des talents tels que peu d’hommes en ont jamais possédé. Il voyait, il concevait ; mais il était forcé de s’en rapporter à d’autres pour exécuter, et il arriva malheureusement que, tandis que les hommes dont il pouvait disposer n’avaient qu’une intelligence secondaire, manquaient d’énergie et d’initiative, redoutaient la responsabilité, fuyaient les petits dangers et par là s’exposaient à de plus grands, son principal adversaire était doué d’un génie vaste et prompt, d’une aptitude guerrière qui surpassait celle de tous ses contemporains, d’une conception hardie, d’une exécution rapide qui n’ont jamais été