Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
284
DUPLEIX AUX PRISES AVEC L’ADVERSITÉ

Il réussit, d’abord parce qu’il possédait au plus haut degré le génie organisateur, et en second lieu parce qu’aucun sacrifice ne lui paraissait trop grand quand il s’agissait de la gloire et des intérêts de la France. Quelle que fût l’amertume de la haine personnelle qui animait contre lui, ses contemporains anglais et leur faisait saisir toutes les occasions de lui imputer des motifs personnels d’ambition et de vanité, ils furent forcés de rendre hommage à son génie et à son dévouement patriotique. « Pour rendre à Dupleix la justice qui lui est due, écrit le major Lawrence dans ses Mémoires, je dois dire qu’il ne se laissait pas aisément abattre ; son orgueil le soutenait, et en même temps son esprit était plein de ressources. » M. Orme admet également que les Français auraient été forcés a de cesser les hostilités après la prise de Seringham, si M. Dupleix n’avait été doué (ce qui du moins lui fait honneur) d’une persévérance qui allait jusqu’à lui faire oublier l’intérêt de sa fortune ; il avait déjà déboursé trois millions cinq cent mille francs, de ses propres fonds, et il continua à agir de même. » Ce fut ce désintéressement, cette abnégation de ses propres intérêts quand ceux de la France étaient en jeu qui lui donna tant d’influence et d’autorité sur ses compatriotes, et lui acquit le respect et l’admiration de tous les princes indigènes avec lesquels il se trouva en contact. En Dupleix, ils trouvaient non-seulement l’homme profondément sérieux, mais encore à l’épreuve des conséquences d’un désastre. Il n’était jamais plus fertile en expédients qu’au moment où la source en semblait tarie. Ses ennemis ne se sentaient jamais en sûreté lorsqu’ils se voyaient en face de cette intelligence mobile, de ce génie inventif, et, même lorsqu’ils se trouvaient dans le camp de ses ennemis, ils ne cessaient de correspondre avec lui. Les Anglais reconnaissaient si bien ce pouvoir persuasif, qu’ils tenaient leur pupille Mahomed-Ali dans la réclusion la plus étroite. Malgré cette précaution, Dupleix parvint à correspondre avec lui, mais dans la réponse qu’il en reçut, Mahomed-Ali le suppliait de ne pas lui imputer sa conduite, car ajoutait-il, « vous savez que je ne suis plus maître de mes actions. »

Jamais peut-être son génie ne brilla d’un plus vif éclat qu’après la prise de Seringham. Il était sans troupes, exposé à la merci de