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RISQUES AUXQUELS S’EXPOSAIT DUPLEIX

ce nom, reconnu Chunda-Sahib comme nabab. Les Anglais avaient positivement refusé de secourir Mahomed-Ali dans la défense de cette ville ; mais quand même il aurait réussi à leur persuader de le faire, il ne semblait pas que Dupleix pût avoir rien à craindre de leurs efforts, car Lawrence, leur ancien commandant, était absent, le génie de Clive ne s’était pas encore révélé, et Dupleix connaissait et appréciait à leur juste valeur des hommes comme Gingen et Cope. Pouvait-il prévoir que, du sein de cette misérable colonie d’ennemis démoralisés qui, n’osant même pas transférer le siège de leur gouvernement à Madras, restaient claquemurés dans le fort Saint-David, spectateurs immobiles de son audacieuse entreprise, surgirait un des grands capitaines du siècle ? Etait-il tenu d’agir comme si cet événement était présumable ? Oui, sans doute, si nous devons juger les hommes d’après un type parfait, si nous ne faisons aucune part aux passions humaines, nous devons déclarer que son devoir était d’agir en vue de cette prévision. Avant d’envoyer de Bussy à Aurungabad, il aurait au moins dû, par mesure de sage précaution, s’assurer de Trichinopoly et écraser le dernier rival de Chunda-Sahib. S’il l’avait fait, il aurait enlevé aux Anglais tout prétexte d’intervention, et aurait pu avec sécurité envoyer de Bussy à Aurungabad. Possesseur déjà du Carnate, il le serait bientôt devenu du Décan, et toute l’Inde au Sud du Vindya aurait reconnu la suprématie française.

Toutefois, quelque grande et par la suite quelque fatale qu’ait été cette faute, qui pourra affirmer qu’on dût en faire un crime à cet illustre Français, quand on se rappellera quelle immense tentation s’offrait à lui, au moment où la paix du Carnate semblait assurée ? Car on se souvient que Mahomed avait calmé les soupçons de Dupleix par des promesses de soumission. Le moment était si opportun, la nécessité si urgente que Mozuffer-Jung, allant prendre possession de son gouvernement, fût accompagné d’un corps de Français, que les services de Bussy semblèrent peu nécessaires à Pondichéry. Dupleix dut considérer que le danger à courir était peu important, et probablement fort éloigné, tandis que le profit à recueillir était considérable, et devait être d’un poids important dans les luttes possibles du Carnate. Pouvons-nous le