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INFLUENCE DE BUSSY À AURUNGABAD

suivre l’œuvre de consolidation qui devait le mettre à même d’employer les ressources du Décan à seconder les projets français dans le Carnate, il ne dut cependant pas regretter l’occasion que cette menace d’invasion lui offrait d’enseigner aux habitants guerroyeurs de l’Inde occidentale à respecter la discipline et la valeur françaises. Quand la nouvelle que Gazi-Oudin venait du Nord à la tête de cent cinquante mille hommes, et Balladgi-Badgi-Rao de l’Ouest avec cent mille, répandit la terreur et la consternation dans le cœur d’Aurungabad, les uns conseillèrent de se retirer, et d’autres entrèrent même en pourparlers avec les envahisseurs, mais de Bussy demeura calme et ne manifesta aucune émotion. Quand le soubab l’appela à faire connaître son opinion, il lui donna un conseil semblable à celui qu’un peu plus tard le Gouverneur Saunders reçut de Clive, et qui fit juger la valeur de cet officier : « Ne vous inquiétez pas, dit-il, de l’armée qui envahit ; vous préserverez mieux le Décan en marchant sur Pounah. » Ce qui prouve bien quelle était l’influence de Bussy à la cour, c’est l’empressement que l’on mit à suivre cet avis hardi. Pour mieux faire ses préparatifs, le soubab quitta Aurungabad pour Golconde, et quand, après un certain temps, il fut bien assuré que les ennemis avaient commencé leur mouvement en sens opposé, mais avec Aurungabad pour but, il partit de Golconde avec de Bussy, et afin de suivre les plans proposés par ce dernier, il abandonna Aurungabad à son sort pour marcher sur Béder[1], jadis la capitale de l’ancien royaume du même nom. Outre farmée considérable mais irrégulière de Salabut-Jung, de Bussy avait avec lui cinq cents Français des mieux disciplinés et cinq mille Cipayes bien exercés. Dès la fin de la saison pluvieuse, Balladgi-Badgi-Rao entra dans le

  1. Grant Duff, et l’auteur du Seir Mutakherin, affirment l’un et l’autre que ce fut sur Ahmed-Nugger que le soubab marcha en quittant Golconde. M. Orme, au contraire, indique Béder ; nous sommes portés à croire que c’est ce dernier auteur qui est dans le vrai. Les Mahrattes se dirigeaient de Pounah sur Aurungabad et devaient naturellement passer par Ahmed-Nugger. Gazi-Oudin marchant vers le même but, un mouvement fait par de Bussy sur Ahmed-Nugger n’aurait pu avoir pour résultat d’alarmer Balladgi-Badgi-Rao pour la sûreté de Pounah. Au contraire, Béder se trouve sur la route directe de Golconde, où était de Bussy, à Pounah, et c’était le lieu le plus propice pour une attaque sur le territoire mahratte. Il est aisé de s’imaginer que Balladgi, apprenant qu’une expédition se dirigeait de Béder sur Pounah, n’aurait rien de plus pressé que de quitter le Nord pour aller protéger sa capitale.