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IL RENCONTRE BALLADGI

en ligne de soutien, il attendit tranquillement l’approche de Balladgi.

C’était véritablement pour la première fois qu’une armée mahratte régulière allait se rencontrer sur le champ de bataille avec un ennemi européen, car le contingent mahratte qui avait combattu dans le Carnate ne se composait que d’une poignée d’hommes, et ils ne s’étaient livrés comme auxiliaires qu’à une guerre d’escarmouches qui ne pouvait donner une idée de leur pouvoir comme force indépendante ; mais ici, de Bussy allait se trouver en face de l’élite du corps le plus puissant de l’armée. Les Mahrattes étaient, à cette époque, la force qui grandissait dans l’Indoustan. Les guerriers de ce peuple n’avaient pas encore abandonné les traditions dont l’observance avait fait d’eux une nation. Leur splendide cavalerie, la longanimité avec laquelle ils supportaient les souffrances et les privations, leur habitude de voyager sans tentes, sans bagage d’aucune sorte, sans autres provisions que ce que chaque homme pouvait porter sur son cheval, avaient concouru, avec leur tactique hardie, à les rendre supérieurs à ces armées mahométanes minées par un mauvais gouvernement et l’absence de toute science militaire. Le luxueux équipement de l’armée d’Aurengzeb offrait un contraste frappant avec le rude camp d’Akbar, et depuis la mort d’Aurengzeb, toute apparence de discipline avait complètement disparu. Les armées mogoles n’espérant pas la victoire, connaissant l’incapacité de leurs chefs, à demi vaincues avant d’avoir combattu, se sentaient parfaitement hors d’état de tenir tête au nouveau pouvoir qui, petit à petit, absorbait l’Indoustan.

De Bussy savait tout cela ; il savait que l’issue de la lutte qui allait avoir lieu dépendait de lui et de ses soldats, avec lesquels il avait traversé presque tout le continent, du golfe du Bengale à la mer d’Arabie. Ce fut cependant avec une pleine confiance qu’il attendit l’attaque ; elle vint enfin. Les nuages de poussière soulevés par les pieds d’innombrables chevaux ne pouvaient annoncer autre chose. Il était clair que quarante mille hommes d’une cavalerie choisie et commandée par son Peshwa allaient, dans ce jour même, s’efforcer de surpasser leur valeur accoutumée. Elle chargea à fond, quoique sans ordre, la lance en arrêt, et poussant des cris de