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DE BUSSY JUSQU’EN 1754

victoire. Mais les Français, malgré leur petit nombre, ne se laissèrent ni émouvoir ni troubler, et immobiles près de leurs canons, ils attendirent avec sang-froid l’ordre de leur commandant. Aussitôt qu’il fut donné, ils commencèrent à lancer, non pas des décharges isolées, mais par un feu continu, une grêle de mitraille qui, combinée avec le feu de file incessant de l’infanterie, apprit aux cavaliers mahrattes quelle sorte d’ennemi allait leur disputer la victoire. Le résultat ne fut pas un instant douteux : après quelques décharges d’artillerie, les Mahrattes ne purent tenir, et, faisant volte-face, eurent bientôt disparu. De Bussy n’était pas homme à laisser une victoire stérile. Il persuada au soubab de partir immédiatement et de marcher droit sur Pounah, sans s’arrêter à écouler les offres d’accommodement du Peshwa.

Il y avait, comme cela arrive souvent dans toute armée orientales, des complications. Balladgi-Badgi-Rao était en mauvaise intelligence avec Tara-Bae, la grand’mère du jeune rajah de Sattara, qui lui contestait le droit de gouverner pour son petit-fils. Afin d’aûaiblir Balladgi, les conseillers de Salabut-Jung étaient entrés en communication avec elle. De son côté Balladgi, reconnaissant de quelle importance étaient les services rendus au soubab par le contingent français, employait tous les moyens en usage dans les cours orientales pour exciter la jalousie contre l’officier français en lui attribuant des motifs secrets et une ambition personnelle. Nous verrons quels fruits portèrent en leur saison ces diverses menées.

De Bussy se souciant peu de ces intrigues, peut-être même les ignorant, et agissant toujours sur l’esprit du soubab, marcha jusqu’à ce qu’il se retrouvât dans le voisinage de l’armée mahratte, à Rajapore, sur la rivière Ghora. Une éclipse de lune appelait les Indous à leurs dévotions, et de Bussy résolut de profiter de leur superstition pour les battre jusque dans kurs campements. Ce fut chose nouvelle pour ses alliés mahométans que de le voir tenter de combattre les Mahrattes avec leurs propres armes, et chercher à surprendre ceux dont la vigilance et la promptitude avaient fait le succès. Quoiqu’ils eussent vu fuir en rase campagne la cavalerie mahratte, ils l’avaient encore en telle estime, que cette attaque