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DE BUSSY JUSQU’EN 1754

Une lettre de Dupleix au soubab avait appris à Syud-Lushkur le sort de sa missive à M. Saunders ; il savait désormais que son masque était tombé, et que le regard perdant du Gouverneur de Pondichéry avait lu jusqu’au fond de son cœur les sentiments qui l’animaient. Il résolut alors de s’en remettre à la destinée pour le conduire à bien dans ce jeu hasardeux. Il se refusait encore à payer la solde du détachement de Janville. Il ordonnait à Mahomed-Hoosen de gagner du temps. Il pensait probablement qu’à Aurungabad, à l’extrémité du Décan, dans le voisinage de la forteresse imprenable de Dowlutabad, il était à l’abri du mépris de Dupleix et de la vengeance de Bussy. Mais il n’en était pas ainsi.

Les communications de Bussy avec Mahomed-Hoosen et la conduite fourbe et prévaricatrice de ce dernier, convainquirent bientôt l’officier français que, dans de telles conjonctures, il ne lui restait qu’un parti à prendre : c’était de marcher au plus tôt sur la ville où les conseillers de Salabut-Jung se tenaient embusqués pour diriger leurs insultes réitérées sur lui-même et sur ses troupes ; il fallait précipiter ces traîtres de leurs sièges et renouer avec le soubab les anciens liens de confiance et d’amitié. Tous les préparatifs furent donc ordonnés pour partir à la fin des pluies.

Il n’est pas facile de concevoir une entreprise plus hasardeuse et plus difficile, et qui demandât plus d’audace. La distance entre Hydérabad et Aurungabad est de cinq cents milles. Les autorités de tout le pays étaient sous le pouvoir de Syud-Lushkur. Ce n’était pas peu de chose que d’équiper son armée pour un tel voyage. On ue pouvait compter sur aucun argent de Mahomed-Hoosen, et il fallait faire face aux dépenses, non-seulement de l’équipement, mais encore des approvisionnements. En outre, il fallait prévoir quelle attitude prendraient le soubab et ses conseillers. On ne pouvait savoir ce que serait capable de tenter Syud-Lushkur, qui avait en main toutes les ressources de la province. Il pouvait arriver que cette poignée de Français eût à se frayer par leurs armes leur route jusqu’à Aurungabad, entourés d’ennemis et n’ayant pour tout aide que leur bravoure, leur courage ot la capacité de leur commandant.