Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
DE BUSSY JUSQU’EN 1754

céderait en leur faveur, et que cette intervention, interprétée en mal par le soubab, ferait naître dans son esprit des soupçons qui amèneraient en peu de temps la disgrâce des Français.

Avec le soubab, ce plan eut le succès désiré : il donna des ordres immédiats pour l’arrestation de ses frères ; mais Syud-Lusbkur s’était mépris sur le caractère de Bussy. Cet officier reconnut aussitôt le droit du soubab à exercer une suprématie sans contrôle dans sa famille. L’emprisonnement des deux princes ne blessait en rien les intérêts français, et, quoiqu’il fût pressé par plusieurs des nobles et par beaucoup des amis de Syud-Lusbkur d’intercéder en leur faveur, il se récusa et se tint soigneusement à l’écart. À toutes leurs importunités, il répondait qu’il respectait les ordres et les secrets du soubab et de ses ministres, et qu’il ne voulait pas se mêler des affaires de l’État qui n’avaient pas de rapports avec les intérêts de sa nation. Cette conduite prudente convainquit le soubab que les soupçons dont le ministre avait voulu empoisonner son esprit n’avaient aucun fondement, et Syud-Lushkur fut si déconcerté d’avoir échoué dans cette nouvelle intrigue, qu’il donna sa démission et rentra dans la vie privée[1]. Il fut remplacé dans son emploi par Shah-Nawaz-Kban, noble d’une intelligence et d’un rang élevé, que de Bussy considérait comme attaché aux Français ; on saisit cette occasion de remplacer tous les employés dépendant du ministre déchu par d’autres qui étaient réellement dévoués à la France.

Ce changement eut les plus heureux résultats. Depuis l’époque où il eut lieu jusqu’au rappel de Dupleix, en août de la même année, la situation des troupes françaises ne fut troublée en rien. Il est vrai que Janodgi Bhonsla, fils du fameux Raghodgi, fit une tentative pour s’emparer des États du soubab, mais il n’eut pas plus tôt appris que de Bussy marchait contre lui, qu’il se hâta de faire la paix. Une autre tentative faite par quelques bandes disséminées de Mahrattes pour troubler l’occupation française des Circars du Nord, fut repoussée par l’artillerie française, et le noble mécontent qui l’avait suggérée fut obligé d’implorer la merci de Salabut-Jung ; partout ailleurs la tranquillité régnait, grâce à la prudence de Bussy et

  1. Avril 1754.