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CHUTE DE DUPLEIX

de redescendre du roc sur lequel ils se trouvaient, se virent réduits au désespoir. Ils n’avaient même pu faire connaître à la garnison leur désir de se rendre. Pendant quelques heures ils s’abritèrent de leur mieux, mais le moindre mouvement les exposait au feu continu de l’ennemi, et ils furent bientôt réduits à la plus pitoyable situation. Quand le jour parut enfin, ce ne fut que pour éclairer la capitulation en masse de ces forces imposantes qui, parties avec de si grandes espérances de succès, avaient tenu la victoire entre leurs mains et l’avaient laissée échapper. Sur six cents hommes, huit officiers et trois cent soixante-quatre soldats étaient prisonniers de guerre, beaucoup étaient blessés ; un officier et quarante hommes étaient tués ; les autres, au nombre de près de deux cents, s’élancèrent du rocher dans le fossé, et quoique quelques-uns fussent mutilés dans la chute, ils furent tous emportés par leurs camarades.

Il semblait vraiment, comme nous l’avons dit, qu’il y eût une fatalité attachée aux opérations françaises de Trichinopoly ! Pourquoi cette entreprise, bien conçue, bien exécutée au début, qui, dans des conditions ordinaires de prudence, devait réussir, échoua-t-elle ? Qu’est-ce qui causa cette décharge intempestive et inutile ? La seconde question répond à la première ; mais il est hors de notre pouvoir de trouver une réponse à cette seconde. Qu’il nous suffise de remarquer que cet acte de folie changea entièrement la marche des événements. Non-seulement ses conséquences enlevèrent aux Français l’espérance de jamais posséder Trichinopoly[1], non-seulement il donna aux Anglais tous les fruits de la campagne, mais il fut la cause de cet humiliant traité par lequel, au bout de quelques mois, la France abandonna ce qu’il lui avait fallu tant d’années pour acquérir, et renonça même au droit d’aspirer à la domination dans les territoires de l’Indoustan. Quelle leçon pour les soldats renferme cette histoire ! quelle leçon pour

  1. Le major Lawrence dit : « Ce projet était bien connu, et si la pétulance des Français ne les avait pas poussés à révéler leur présence, ils auraient peut-être eu le temps d’exécuter leur dessein. » M. Orme écrit « que l’assaut exposa la ville aux plus grands dangers qu’elle eût courus pendant la guerre. » Le colonel Wilks : « Si les ordres défendant de faire feu eussent été obéis, quelques minutes plus tard la ville était au pouvoir des Français. »