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LES PREMIERS FRANÇAIS DANS L’INDE

d’une expédition sur laquelle tant d’espérances étaient fondées, satisfit peu Colbert. La garnison de Trinquemale avait été forcée de se rendre à la flotte hollandaise et, de leurs conquêtes, il ne restait plus aux Français que Saint-Thomé ; Masulipatam et Surate n’étant que des factoreries. Comme il est ordinaire en pareil cas, on attribua la faute au promoteur de l’entreprise et Caron eut tous les torts possibles. Les uns étaient jaloux de sa position, les autres détestaient son caractère impérieux, d’autres déclamaient contre ses dispositions envahissantes. Si Caron eût réussi, ses défauts eussent passé inaperçus, mais comme il avait échoué on en prit occasion de demander son rappel. Les Directeurs français qui, eux aussi, recherchaient avec impatience des résultats, furent si mortifiés du mauvais succès de cette coûteuse expédition, qu’ils pétitionnèrent aussi auprès du ministre pour qu’il rappelât Caron, afin, disaient-ils, de vérifier ses comptes. Le ministre se rendit à leurs désirs et dans la crainte que Caron n’éludât ses instructions, au lieu de lui notifier un rappel absolu, on l’invita en termes flatteurs à revenir en France pour être consulté sur de nouvelles entreprises. Caron obéit et, s’embarquant avec toutes les richesses qu’il avait amassées, partit en 1673 pour Marseille. Il avait déjà passé le détroit de Gibraltar quand un vaisseau qu’il rencontra lui fit connaître les intentions réelles du gouvernement à son égard. Il changea aussitôt sa direction et cingla sur Lisbonne ; mais en entrant dans le port, le navire toucha sur un rocher et coula immédiatement ; un des fils de Caron survécut seul à cette catastrophe[1].

Dans les expéditions entreprises contre Ceylan et Saint-Thomé, une grande part appartient à François Martin qui consacra fructueusement une longue carrière à l’exécution et à la prospérité des desseins de la France en Orient. On sait peu de chose de sa vie antérieurement à 1672, si ce n’est que, comme Caron, il avait débuté au service de la Compagnie hollandaise des Indes-Orientales et qu’il l’avait quittée de bonne heure pour passer à celui de la France. Il est probable qu’il avait fait la connaissance de Caron

  1. Histoire des Indes-Orientales, vol. III.