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POLITIQUE DE GODEHEU

qu’elle était habituée à recevoir ; il arrêta tous transports de provisions, et n’envoya pas d’ordres. Les lettres et les remontrances de Mainville demeurèrent sans réponse. La conséqueace, facile à prévoir, fut qu’une portion de l’armée se révolta, et que les officiers ne rétablirent l’ordre qu’en fournissant des fonds. La lettre écrite par Godeheu à Dupleix, en apprenant cette rébellion, peint le caractère du nouveau Gouverneur, et montre dans tout son jour le crime commis par le Gouvernement français en envoyant un pareil homme pour supplanter Dupleix : Vous avez été dans le cas de faire des avances par votre bourse et votre crédit ; je n’ai ici ni l’un ni l’autre.

Mais ce n’était pas tout. Le nouveau Gouverneur semblait résolu à tout sacrifier, non-seulement les territoires acquis par Dupleix, mais même l’honneur de la France, dans ce grand, cet unique but de faire la paix avec l’Angleterre. Ses intentions étaient si transparentes, si évidentes pour tout le monde, qu’elles produisirent dans la colonie et dans l’armée un découragement, un abattement fatal à la vie d’un peuple. Ce n’est pas trop dire que d’avancer que, si le gouverneur Saunders lui-même avait été désigné comme successeur de Dupleix, il n’aurait pu nuire plus efficacement aux intérêts français que ne le fit cet homme nommé par la Direction française et la couronne de France. Il commença par changer le commandant en chef de l’armée. Mainville lui avait été recommandé par Dupleix comme le plus capable de ses officiers, comme celui qui, entre tous, pouvait entretenir de bons rapports avec les alliés : Godeheu saisit la première occasion de le remplacer par M. de Maissin, qui ne s’était fait remarquer que par son peu de capacité et son manque de résolution. Il n’en était que plus convenable pour les vues de Godeheu. On ne pourrait croire, s’il n’en existait des preuves positives[1], que, au moment où la garnison anglaise de Trichinopoly était extrêmement pressée par la famine, où l’armée française n’avait plus qu’à occuper les Cinq-Rochers et les postes qui les défendaient pour leur ôter toute possibilité de faire entrer des convois, Godeheu donna à son nouveau général des instructions pour qu’il se prêtât au ravitaillement, et qu’il ne mît aucun obstacle réel à

  1. Rapport de Mainville. Lettre de Nunderaj, régent de Mysore, à son agent à Pondichéry. (Voyez aussi Orme.)