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GODEHEU ET DE LEYRIT

ranties par l’abandon d’une autre, ne connaissait pas la carte et ne savait rien de la disposition des lieux, ni des intérêts de la Compagnie. Ce fut en vain qu’il le prévint qu’un acte semblable ne serait que le prélude « de notre expulsion prochaine et totale de cette partie du Décan[1]. » La résolution de Godeheu était arrêtée. Pour défaire l’œuvre de Dupleix et faire la paix avec les Anglais, il ferait bon marché de l’honneur et des intérêts de la France.

Les négociations se continuaient toujours avec le gouvernement de Madras. Saunders avait été renforcé par la récente arrivée de la flotte de l’amiral Watson, ayant à bord le 49e régiment de Sa Majesté et des recrues pour la Compagnie. Mais cet avantage était fort amoindri aux yeux du Gouverneur par ce fait que le vétéran éprouvé et vaillant qui avait tant de fois conduit les forces anglaises à la victoire avait été remplacé par le colonel Adlereron. Comme les Français venaient de recevoir des renforts non moins importants, c’était encore une question de savoir laquelle des parties belligérantes aurait le dessus, dans le cas où la guerre continuerait. Mais la sottise de Godeheu donna à Saunders une supériorité morale dont il ne négligea pas de tirer bon parti. La sage prévoyance qui avait porté le gouvernement anglais à envoyer une flotte qui influençât par sa présence les négociations relatives à la paix, produisit un effet merveilleux. Saunders ne resta pas indiflerent aux avantages qu’il pouvait retirer de la fiévreuse impatience de Godeheu, et le 26 octobre, il consentit volontiers à une trêve de trois mois, pendant lesquels des commissaires s’assembleraient à Pondichéry pour discuter les conditions d’une paix permanente. Les principaux articles de cette convention portaient que, jusqu’au 11 janvier 1755, aucun acte d’hostilité n’aurait lieu entre les Français et les Anglais, ni entre leurs alliés ; que le commerce serait libre pour les deux nations dans le Carnate ; qu’il y aurait un échange mutuel, mais ad valorem, des prisonniers, et que des commissaires seraient nommés des deux parts pour veiller à ce que les conditions de la ti’ève ne fussent pas enfreintes.

  1. Réponse de Moracin, 9 octobre 1754.