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MOTIFS DE LA CONDUITE DE GODEHEU

avanlage d’avoir sous ses ordres un Clive et un Lawrence. Ce n’est pas trop dire que d’afflrmer que, sans sa politique opiniâtre, ces avantages eussent été de peu de valeur ; sans sa promptitude à reconnaître et à employer le mérite. Clive eût peut-être langui dans l’obscurité ; son tact ne le cédait en rien à sa détermination. Il aurait traité avec Dupleix, maître absolu de sa présidence, à des conditions meilleures que celles qu’il oifrit à Godeheu, car il ne pouvait manquer de sentir que si la France soutenait Dupleix, une prolongation des hostilités amènerait encore une augmentation de territoire pour la France. Il était préparé à céder tout, excepté sur un point qu’il regardait comme essentiel à la sûreté des Anglais, savoir que le nabab du Carnate ne fût pas à la nomination des Français. Mais avec Godeheu il adopta une autre marche : il vit qu’il pouvait tout obtenir de la haine et de la crainte qui dominaient celui-ci, et il le pressura au point de le laisser sans pouvoir et sans force.

Les sentiments que Godeheu montra par la suite prouvent jusqu’à l’évidence qu’en rendant justice aux mérites de Saunders et en défendant la politique de Dupleix, nous ne calomnions pas la mémoire du Gouverneur que la France avait eu le malheur de donner à l’Inde. Quel autre motif qu’un fiévreux désir de paix à tout prix et une basse jalousie envers Dupleix aurait pu, le 11 février, le pousser à signer le traité ignominieux que nous avons analysé, quand, le 17 décembre précédent, les termes du traité ayant été virtuellement arrêtés et l’armistice subsistant encore, il avait écrit à Moracin à Mazulipatam : « Préparez tout avec toute la célérité dont vous êtes capable, afin de vous mettre à l’abri d’un coup de main, car il est très-possible que vous soyez attaqué avant la fin de janvier. C’est ainsi, par de soudaines entreprises, que les Anglais déclarent la guerre[1]. » Ainsi, à la fin de décembre, il préparait Moracin à repousser une attaque sur les Circars, et le 11 janvier, il les abandonnait aux Anglais !

Il ne demeura pas assez longtemps dans l’Inde pour apprécier les résultats de ce traité. Le 16 février 1755, après avoir exercé ses

  1. Cette correspondance est jointe au Mémoire de Dupleix.