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POLITIQUE DE MARTIN

se retireraient où bon leur semblerait, mais que les Français seraient renvoyés en Europe, soit dans cette même année, soit au commencement de la suivante. Ces conditions furent implicitement consenties[1].

Ainsi se termina, et en apparence pour toujours, la tentative de la France pour s’établir d’une manière permanente sur la côte de Coromandel. De tous les efforts qu’ait jamais faits une nation pour fonder un établissement dans l’Inde, aucun ne fut tenté sous de plus tristes auspices et avec d’aussi faibles ressources ; et cependant, jusqu’à la prise de Pondichéry, cette colonie avait répondu à toutes les espérances. Composée de soixante Européens, débris de la garnison de Saint-Thomé, dépourvue de renforts réguliers, ne se recrutant que d’enfants perdus incorporés à l’occasion, elle avait réussi non-seulement à se maintenir pendant dix-sept ans, mais encore à se concilier le respect des indigènes. Nous avons déjà fait connaître ce qu’elle avait accompli, et quand on étudie l’histoire de ces dix-sept ans d’occupation, on se demande forcément comment cette poignée d’hommes, abandonnés à eux-mêmes, put créer tant de choses, tandis que d’autres expéditions, abondamment pourvues des ressources de la Compagnie, avaient si complètement échoué. Le caractère du fondateur de Pondichéry explique nettement cette contradiction. Tout était dû à François Martin. Son énergie, sa persévérance, sa douceur à l’égard des indigènes, son équité dans les transactions furent les véritables bases de la colonie. Jamais aventurier, si même en bonne part on peut lui appliquer cette épithète, n’eut les mains plus pures, ne fut plus entièrement dévoué aux intérêts de la France, et plus insoucieux des siens propres. En ceci, il était tout l’opposé de Caron. Caron était avare, avide, jaloux de la réputation des autres. Martin avait l’esprit indépendant, libéral, le cœur large ; c’était un vrai patriote, sans une pensée d’envie ou de jalousie. Tels sont les hommes qui fondent les empires et sont la vraie gloire de leur patrie !

Les fondements que Martin avait posés n’étaient pas destinés, il est vrai, à supporter un splendide édifice, mais cet honneur seul

  1. Mémoire, dans les Archives de la Compagnie des Indes. La Capitulation y est donnée en entier.