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LES PREMIERS FRANÇAIS DANS L’INDE

leur manqua et les malheurs qui survinrent ne peuvent en rien lui être imputés ni diminuer sa gloire. Nous le voyons maintenant, après le renversement de toutes ses espérances, regagner son pays sans même y pouvoir porter un témoignage visible du résultat de ses labeurs. Était-il donc entièrement dépourvu ? Si la connaissance approfondie de ces régions lointaines, si l’aptitude à diriger les hommes, si l’habileté, l’énergie qui ont su se suffire de leurs propres ressources, si tout cela n’est rien, assurément Martin rentra dans son pays absolument dénué de tout ; mais, à cette époque, de pareils avantages étaient appréciés à un plus haut prix qu’ils ne le sont souvent aujourd’hui, et Martin ne tarda pas à constater qu’il avait acquis la confiance de son pays au point d’être bientôt mis à même de réparer les pertes de 1693, et de réédifier sur les anciennes bases un établissement durable.

Avant de continuer le récit des tentatives ultérieures des Français pour s’établir sur la partie méridionale de la côte de Coromandel, il est nécessaire de jeter un coup d’œil sur leurs actes dans d’autres parties de l’Indoustan.

Nous avons déjà fait allusion à leur établissement à Surate[1], qui prit de l’importance lorsqu’à la cession de Madagascar à la couronne de France en 1672, on y transféra le siège de l’autorité supérieure d’abord installé dans cette île[2]. Quelques-uns des colons de Madagascar passèrent, ainsi que nous l’avons dit, dans rile de Mascarenhas, depuis Bourbon ; d’autres vinrent à Surate. Mais l’établissement de Surate ne réussit pas. Le mauvais état des affaires de la Compagnie-mère affectait naturellement ses rejetons

  1. Grand Duff raconte que « quand Surate fut pillée pour la seconde fois par Sevadgi (3 octobre 1670), les Anglais, comme la première fois, se défendirent victorieusement sous la direction de M. Streingham Masters et tuèrent beaucoup de Mahrattes ; la factorerie hollandaise, située à l’écart, n’eut pas à souffrir ; mais les Français achetèrent une honteuse neutralité en permettant aux troupes de Sevadgi de passer par leur factorerie pour aller attaquer un malheureux prince tartare qui revenait d’une ambassade à la Mecque. » Il n’est pas dans le caractère français d’éviter ignominieusement un combat et si l’on considère qu’en cette circonstance les forces de Sevadgi s’élevaient à quinze mille hommes de troupes choisies, tandis que les Français, en très-petit nombre, occupaient une position faible, on ne s’étonnera plus qu’ils soient entrés en arrangement pour sauvegarder leurs propriétés. Le pillage du prince tartare ne peut guère être considéré comme une conséquence de ces conventions. Surate fut pendant trois jours au pouvoir des troupes de Sevadgi, et le prince tartare aurait, dans tous les cas, été pillé.
  2. Édit de Louis XIV, 12 novembre 1671.