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DIVERSITÉ D’OPINIONS SUR BUSSY

de l’antipathie que l’autre ne pouvait cacher. Les liens d’amitié qu’un long service avait créés entre lui, Leyrit, Desvaux et les autres Conseillers de Pondichéry, Tentraînèrent graduellement et insensiblement dans l’opposition. Ses premiers procédés n’étaient pas calculés pour améliorer l’état des choses. Il mit tout en œuvre pour persuader à Lally de le renvoyer au Décan avec une augmentation de forces ; tous les jours il lui montrait des lettres du soubab tendant à ce but. Cette insistance était bien faite pour confirmer les soupçons et exciter l’indignation de Lally. Un esprit comme le sien, qui n’avait qu’un seul objet en vue, ne pouvait tolérer une proposition tendant à un but tout opposé et qui, au lieu d’augmenter ses forces, ne pouvait que les affaiblir. Il en vint donc à regarder les requêtes de Bussy et de Moracin comme faisant partie d’un plan général pour le traverser, et comme autant de preuves certaines qu’eux aussi s’occupaient plus de leurs propres intérêts que des intérêts de la France. Il insista de plus en plus pour que Bussy l’accompagnât. Pendant toutes ces négociations, il affectait une grande politesse extérieure à l’égard de Bussy ; mais, en réalité, il le regardait comme un homme fort ordinaire et d’une réputation usurpée[1].

Si Lally jugeait ainsi Bussy, le fidèle lieutenant de Dupleix produisait une tout autre impression sur les autres officiers. Ils ne furent pas longtemps à reconnaître son talent, ses vues larges, sa connaissance du pays et de la vraie manière de traiter avec les Orientaux. Six d’entre eux[2], et d’Estaing, dont la réputation était déjà faite, était du nombre, prouvèrent la confiance que leur inspiraient ses talents et son dévouement en signant, à la veille de l’expédition de Madras, une requête au commandant en chef pour que Bussy, le général de la Compagnie, fût mis à leur tête immédiatement au-dessous de Soupire. Lally était peu disposé à céder à leur demande : il attribuait même cette demande à l’or de Bussy[3]; mais enfin il ne put l’éviter, et signa la nomination.

  1. Les Mémoires de Lally et de Bussy abondent en preuves du peu d’estime qu’ils avaient l’un pour l’autre.
  2. D’Estaing, Grillon, La Fare, Verdière, Breteuil, Landivisiau.
  3. Lally affirme que, pour s’assurer les bons offices de quelques-uns de ces gentilshommes, Bussy leur prêta, offrit ou donna les sommes suivantes:au comte d’Es-