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DERNIÈRE LUTTE

Les délibéralions de Pondichéry eurent une meilleure issue que Lally n’avait osé l’espérer ; l’expédition de Madras fut résolue. Dans la réunion d’un conseil mixte, les militaires et quelques membres civils exprimèrent l’opinion qu’il valait mieux courir le risque de périr d’un coup de mousquet sur le glacis de Madras que de mourir de faim dans les rues de Pondichéry. Leyrit fut seul dissident, alléguant qu’il ne pouvait fournir aucun argent. Mais ceci ne devait pas être un obstacle. Non-seulement Moracin avait amené deux cent cinquante Européens et cinq cents Cipayes, mais il avait apporté cent mille roupies. Les officiers supérieurs et les membres du Conseil, entraînés par l’exemple de Lally lui-même[1] mirent à contribution leurs propres bourses. Quelque considérable que fût la somme réunie ainsi, elle se trouva fort réduite quand on eut fait face aux préparatifs nécessaires, et quand, le 2 novembre, Lally partit pour rejoindre son armée, sa caisse ne renfermait plus que quatre-vingt-treize mille roupies. Or, l’entretien mensuel de ses troupes ne s’élevait pas à moins de quarante mille.

La rencontre entre Bussy et Lally avait été amicale en apparence. Non-seulement Lally avait exprimé l’opinion qu’il retirerait de grands avantages de l’expérience que son subordonné possédait dans les afiaires de l’Inde, mais, en arrivant à Pondichéry, il lui avait fait l’honneur de lui offrir un siège dans le Conseil supérieur. Néanmoins, les sentiments secrets et réciproques de ces deux hommes étaient loin d’être cordiaux. Lally, dont l’idée fixe était l’expulsion des Anglais, ne put jamais s’associer au projet de fonder dans le Décan un empire qui aurait plus ou moins dépendu de la faiblesse ou de la tolérance des Anglais ; sachant d’ailleurs que Bussy, tout en maintenant la gloire de la France à Hydérabad, s’était acquis, avec un grand nom, une fortune énorme, Lally ne pouvait s’empêcher de relier ces circonstances l’une à l’autre, et de classer en secret Bussy parmi ces intrigants qu’il avait trouvés en si grand nombre à Pondichéry[2]. D’un autre côté, Bussy se méfia, dès le début, de la capacité de Lally, et s’aperçut

  1. Lally souscrivit pour cent quarante-quatre mille livres ; le comte d’Estaing et d’autres pour quatre-vingt mille en vaisselle. Suivant Lally. Bussy ne donna rien.
  2. Le Jésuite Lavaur avait plus d’une fois répété à Lally que, dans l’Inde, les fonctionnaires travaillaient pour quelque chose de mieux que la gloire du Roi.