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DERNIÈRE LUTTE

proche de cinq cents hommes que commandait le colonel Draper, soutenus par cent cinquante autres sous le major Brereton, avec deux canons, mais que, étant tombés dans la même erreur que d’Estaing, ils n’avaient pris aucune attitude défensive. Ils n’avaient reconnu leur méprise que lorsque les canons anglais avaient ouvert le feu sur leur flanc gauche. La surprise avait produit la confusion dans leurs rangs, et, abandonnant leurs canons, ils s’étaient réfugiés à l’abri de quelques maisons peu éloignées. Si les Anglais avaient marché de l’avant, ils auraient pu s’emparer des canons et le siège aurait été mis à néant le jour même ; mais leurs troupes se répandirent en désordre dans les maisons, les recrues indigènes lâchèrent pied, et une partie des forces se trouva séparée du reste. Deux officiers du régiment de Lorraine ayant vu cet état de choses, rallièrent leurs hommes avec beaucoup d’entrain et s’avancèrent, la baïonnette au bout du fusil, pour seconder les canons. Ce fut alors au tour des Anglais de reculer : leur position était fort dangereuse. Non-seulement ils étaient en présence de forces supérieures maintenant revenues de leur surprise, mais pour regagner le fort, ils avaient à traverser le marais et à passer le petit pont du ruisseau dont le régiment de Lally, impatient de combattre, était plus près qu’eux. On voit que le sort des Anglais ne dépendait que de la conduite de l’officier qui commandait ce régiment. Il y a, dans la destinée des nations comme dans celle des individus, des moments critiques et décisifs qu’il faut savoir utiliser sans hésitation si l’on veut arriver au succès. C’était là un de ces instants. Si le régiment de Lally avançait, c’en était fait de Madras, car non-seulement ces six cent cinquante hommes auraient été pris ou tués, mais, selon le témoignage de leur commandant, l’effet produit sur les assiégés eût été décisif[1]. Voyons comment les Français tirèrent parti de cette conjoncture.

Nous avons dit qu’après la capture de d’Estaing Lally s’était porté à la droite de la position, où l’action devenait plus chaude,

  1. Le colonel Lawrence établit dans ses Mémoires que la première reculade des Anglais avait jeté un grand découragement parmi ses hommes et que cette sortie avait été ordonnée parce que l’on trouvait nécessaire de faire immédiatement quelque chose pour relever le moral de la garnison. Si les troupes sorties avaient été tuées ou prises il est indubitable que celles qui restaient dans la ville auraient été complètement démoralisées.