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DERNIÈRE LUTTE

Les conséquences de cette conduite intrépide furent importantes. Une semaine ne s’était pas écoulée que Moracin[1], envoyé à Mazulipatam par Lally à la première réquisition de Conflans, arrivait avec trois cents hommes devant cette place. La trouvant occupée par les Anglais, il se dirigea sur Ganjam, où il ne fit rien, la ville étant abandonnée, et bientôt après sa troupe se dispersa. Mais le résultat le plus marquant fut le traité conclu par les Anglais avec Salabut-Jung. Frappé de la défaite inattendue des Français et obsédé par les prétentions de Nizam-Ali, le protégé de Bussy et de Dupleix, il se hâta de conclure avec Forde un traité par lequel il renonçait à l’alliance française, — consentant à ne jamais admettre un contingent français dans le Décan, — et cédait aux Anglais un territoire produisant un revenu annuel de quatre lakhs de roupies. Avant la fin de l’année, ces districts cédés, dont la possession avait été un des triomphes de l’administration de Dupleix, passèrent entièrement aux mains des Anglais, et dès lors le sceau fut mis au sort de l’Inde française.

Lally, dans sa retraite de Madras, avait pris position à Conjeveram ; y laissant ses troupes, il partit pour Arcate, afin d’organiser les approvisionnements de son armée. Leyrit avait profité de l’absence de Lally avec son armée pour arrêter, malgré les protestations de quatre membres du Conseil[2], une enquête que Lally avait ordonnée sur les comptes de M. Desvaux, chef du fisc à Pondichéry, qui avait été accusé de malversations. D’autres abus, profitables aux serviteurs de la Compagnie, mais fort préjudiciables à la Compagnie elle-même et que Lally avait abolis, avaient repris leur cours. Le 8 mars, Lally quitta Arcate pour se rendre à Pondi-

  1. Moracin avait immédiatement reçu l’ordre de se rendre à Mazulipatam, et s’il avait obéi, il serait arrivé à temps pour mettre Forde dans une situation telle que son habileté et son énergie auraient sans doute été impuissantes à la conjurer. Mais il trempait dans les intrigues de Pondichéry, et chercha longtemps à éluder l’ordre du départ ; il différa si bien qu’en arrivant il n’avait plus qu’à partager la ruine de Conflans.
  2. Ceux qui protestèrent étaient MM. Barthélémy, Boileau, la Selle et Nicolas. Par exemple, les membres de l’administration étaient dans l’habitude d’émettre des bons du Trésor pour solder leurs engagements ; mais, à dessein, ils en émettaient un nombre tel, que la valeur s’en trouvait très-dépréciee, et un bon de cent francs se rachetait pour vingt francs en espèces. Les membres de l’administration, après avoir paye les troupes et les fonctionnaires avec ce papier, le rachetaient ensuite pour leur compte, et réalisaient un bénéfice de quatre-vingt pour cent.

    (Mémoires pour Lally.)