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DERNIÈRE LUTTE

pouvait couvrir Pondichéry et recevoir des approvisionnements du Sud. Il fut assez heureux pour mener à bien cette opération ; car les Anglais, s’ils avaient poursuivi vigoureusement leur victoire, auraient pu gagner Pondichéry avant lui, et cette place, dépourvue de munitions et de troupes, eût certainement capitulé à la première sommation. Le commandant anglais préféra la méthode plus lente de réduire successivement les places secondaires occupées par les Français, politique qu’il put mener à bien, grâce à l’absence de d’Aché et à l’abandon où la mère-patrie laissait Pondichéry. En suivant cette ligne de conduite, Coote prit successivement Chittaput le 28 janvier, et Arcate le 9 février ; Timéry, Dévicotta, Trinomale et Alumparva succombèrent l’une après l’autre. Karical se rendit le 5 avril : le 15, Lally fut contraint de se retirer de Valdaur jusqu’à la haie qui entourait Pondichéry ; le 20, Chillumbrum, et quelques jours après Cuddalore, tombèrent au pouvoir des Anglais ; il ne restait plus aux Français, dans le Carnate, que Thiagar et Gengi. Il ne faut pas supposer que toutes ces villes fussent prises sans combat. Pour quelques-unes, Lally aurait certainement mieux fait de les évacuer afin de réunir leurs garnisons ; mais il devait faire, et il fit de grands efforts pour conserver Karical, le second port de mer des Français et qu’ils possédaient depuis si longtemps[1]. Mais que pouvait-il faire de plus ? Les ennemis qu’il trouvait dans Pondichéry étaient pires que ceux qu’il avait à combattre au dehors. Il rencontrait l’égoisme partout, le patriotisme nulle part. Les habitants se refusaient même à endosser l’uniforme militaire quand il ne s’agissait que d’en faire parade devant l’ennemi. La sédition, la cabale, l’intrigue s’agitaient de tous côtés ; chacun s’efforçant d’écraser Lally sous le discrédit et la ruine inévitables qui le menaçait ; chacun traversait ses desseins et, contrecarrant en secret ses ordres, ne s’occupait plus que de s’approprier les épaves du naufrage. Voilà quelle était la condition intérieure de Pondichéry et quels étaient les hommes dont on peut dire qu’un appel à leur patriotisme était un appel à un sentiment depuis longtemps éteint. « De ce moment dit Lally, Pondichéry, sans argent,

  1. Le commandant de Karical était M. Renaud de Saint-Germain, le même qui avait rendu Chandernagor à Clive. La défense qu’il fit à Karical fut si pauvre et si faible qu’il fut mis en jugement, et condamné à être cassé. Lally dit qu’il méritait la mort.