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DERNIÈRE LUTTE

dont le génie égalât celui de Dupleix ; mais aussi il y en eut beaucoup qui étaient bien supérieurs à ses subordonnés, Bussy toujours excepté. L’audace de Lawrence, l’opiniâtreté ferme de Saunders et de son Conseil, la vigueur et le talent de Calliaud, de Forde, de Joseph Smith, de Dalton et de bien d’autres, offrent un contraste frappant avec la faiblesse, l’indécision et l’incapacité des Law, des d’Auteuil, des Brennier, des Maissin, et autres que Dupleix fut forcé d’employer. Jamais, au contraire, l’Angleterre ne fut mieux servie que pendant ces luttes ; jamais on ne fit preuve, soit parmi les employés civils, soit parmi les militaires, de plus de dévouement patriotique au devoir, qui doit être le but le plus élevé d’un véritable serviteur de la patrie. Dans l’établissement français, peu de subalternes étaient dévorés de ce feu. Les efî’orls des plus grands commandants furent toujours contrariés et traversés par la jalousie et le mauvais vouloir de leurs inférieurs. Nous voyons La Bourdonnais, sacrifiant les plus grands intérêts de la France à sa jalousie à l’égard de Dupleix ; Godeheu, mû par le même sentiment, détruisant tout ce qu’avait élevé son prédécesseur ; Maissin refusant d’anéantir les Anglais à Trichinopoly ; Leyrit et son Conseil contre-carrant Lally ; jusqu’aux Conseillers se disputant des gains illicites, se souillant de péculat, et employant à se ruiner réciproquement toutes les facultés qu’ils auraient dû réunir pour lutter contre l’ennemi commun. Le résultat d’un tel concours de circonstances était facile à prévoir ; ce n’était qu’une question de temps, mais il était inévitable. Sans Dupleix, jamais les enjeux que les deux pays risquaient n’auraient été si considérables. Ce fut Dupleix qui créa l’Inde française, et ce fut la France qui la perdit.

À l’époque où nous vivons, bien des cœurs français doivent encore éprouver de justes regrets au souvenir de la perte d’un empire si vaste et si puissant, déjà peuplé d’hommes civilisés au temps où notre Europe ne l’était encore que de sauvages.

Mais, quelle que soit l’amertume inspirée par les fautes graves du gouvernement d’alors, et les immenses revers dus aux passions de ses représentants, elle doit être tempérée par un légitime orgueil à la pensée que c’est un enfant de la France qui osa le