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HABILE POLITIQUE DE MARTIN

menace pour les puissances indigènes, mais comme un moyen de se défendre contre quelqu’une des nations européennes ses rivales. Quand un prince indigène visitait Pondichéry, on le recevait bien on l’entourait de prévenances, on le pressait de prolonger son séjour. On n’admettait en aucun cas la possibilité de regarder les indigènes comme des ennemis. Les reconnaissant pour les souverains seigneurs du pays, les Français faisaient profession d’être leurs meilleurs tenanciers, ceux qui leur souhaitaient le plus de bien. Pondichéry s’éleva donc sans exciter le moindre sentiment de méfiance. Les plus puissants parmi les nobles et les princes du voisinage y avaient un libre accès, et les bons offices des Français étaient souvent réclamés dans l’arbitrage des contestations. Ils s’acquirent ainsi non-seulement ta tolérance, mais l’affection et l’estime. Ils étaient la seule nation européenne pour laquelle les indigènes eussent une sympathie réelle, dont ils donnaient constamment des preuves, et les événements postérieurs en ont démontré la sincérité.

Cette cordiale union avec les enfants du sol, base sur laquelle devait s’élever l’Inde française, était, ainsi que tous les prodiges que nous avons racontés, l’œuvre de ce Martin, auquel le dernier ouvrage français publié sur l’Inde française consacre six lignes[1] ! Est-ce sa faute si ses successeurs risquèrent et perdirent ce qu’il avait créé avec tant de soins, d’énergie, de prudence ? Les plus fervents admirateurs de Dupleix, les défenseurs les plus déterminés de Lally, les partisans les plus prévenus de Bussy, ne sauraient le prétendre. N’était-ce pas plutôt parce que la grande facilité du succès de Martin fit apparaître devant ses successeurs cette splendide vision de domination suprême, qui est surtout attrayante pour ceux qui se sentent en possession de grands moyens ? Pour répondre à cette question, il faut étudier et interroger leurs œuvres.


  1. Histoire des Indes-Orientales, par M. l’abbé Guyon.