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PRUDENCE DE DUMAS

de ces conventions, Damas lit partir deux vaisseaux de guerre, le Bourbon', de soixante canons, et le Saint-Géran, de quarante, chargés de troupes d’artillerie et de munitions, pour aller prendre possession de Karical et seconder l’entreprise convenue. Ces vaisseaux jetèrent l’ancre devant Karical dans le mois d’août de cette même année 1738[1].

Pendant ce temps Sahodgi avait mis en œuvre des moyens qui lui convenaient mieux que la force. Par des dons et des promesses, il avait gagné les principaux nobles de Tanjore et même le tout-puissant Seïd. On convint d’une série d’opérations par suite desquelles, l’usurpateur Sidodgi fut surpris dans son palais. Avis en ayant été transmis à la pagode Chillumbrum, Sahodgi se hâta de monter à cheval pour rentrer en triomphe dans Tanjore.

C’est par ces nouvelles que furent salués les capitaines du Bourbon et du Saint-Géran lorsqu’ils mouillèrent devant Karical. On les prévint en même temps que le secours des Français n’était plus utile ; que Karical était occupé par trois ou quatre mille hommes de troupes sous Khan Sahib, officier dévoué à Sahodgi, et que toute tentative de débarquement serait considérée comme un acte d’hostilité et repoussée comme tel. Sur cet avis, le plus âgé des capitaines décida qu’on attendrait de nouvelles instructions de Pondichéry.

Mais en même temps que Sahodgi avait envoyé ce message à Karical, il avait écrit dans un tout autre sens à Dumas. Il lui déclarait qu’il était tout disposé à lui livrer Karical, mais qu’il était dans l’impossibilité de le faire immédiatement. Non-seulement, disait-il, il était à peine en sécurité dans sa capitale, mais encore, du côté de Trichinopoly, il était menacé par Chunda-Sahib. Il insistait sur l’impossibilité où il était, dans de telles circonstances, de se priver de ressources essentielles à sa sûreté.

Ces excuses, toutes plausibles qu’elles pussent être, ne trompèrent pas Dumas. Il ne pouvait, sans un grand déplaisir, voir cette proie, convoitée depuis si longtemps, lui échapper au moment même où il croyait la saisir. Il sentait bien cependant qu’avec

  1. Les détails de cette expédition contre Karical sont tirés principalement du rapport communiqué par Dumas à l’abbé Guyon et d’un document fort ancien intitulé : Mémoire parliculier sur l’acquisition de Karical.