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ORIGINE DE L’ARMÉE CIPAYE

d’infanterie européenne, composé de douze mille hommes, auquel il adjoignit ensuite de cinq à six mille musulmans armés et


    a forcés à payer un tribut. Nous n’avons pas besoin de vous apprendre ces choses. Nous avons maintenant l’ordre du Maharaja, de prendre possession des forteresses de Trichinopoly et de Gingi et d’y placer une garnison. Nous avons aussi l’ordre de percevoir le tribut dû par les villes européennes de la côte. Je suis obligé d’obéir à ces ordres. En considérant votre conduite et la manière dont le roi nous a favorisés en vous permettant de vous établir dans son territoire, je ne puis m’empêcher de dire que vous avez tort de ne pas payer le tribut. Nous avons eu de la considération pour vous, et vous avez agi contre nous. Vous avez donné refuge aux Mogols dans votre ville. Cela était-il bien ? et encore, Chunda-Sahib a placé sous votre protection les trésors de Trichinopoly et de Tanjore, ses pierres précieuses, ses éléphants, ses chevaux et tout ce qu’il possédait dans ces royaumes, ainsi que sa famille. Cela était-il bien ? Si vous voulez que nous restions amis, il faut nous livrer ce trésor, ces bijoux, ces chevaux ces éléphants, aussi bien que la femme et le fils de Chunda-Sahib. Je vous envoie ma cavalerie à laquelle vous pourrez les remettre. Si vous refusez d’accéder à cette demande, nous serons forcés de vous y contraindre, aussi bien qu’au payement du tribut que vous retenez depuis quarante ans.

    « Vous savez comment nous avons traité la ville de Bassem. Mon armée est très-nombreuse et a besoin d’argent pour subvenir à ses dépenses. Si vous n’agissez pas conformément à mes demandes je saurai comment vous obliger à payer dorénavant mon armée. Nos vaisseaux vont arriver d’ici à peu de jours ; il vaut mieux pour vous régler promptement cette affaire. Je compte que conformément à cette lettre, vous allez m’envoyer la femme et le fils de Chunda-Sahib, avec ses éléphants, ses chevaux, ses bijoux et son trésor. »

    Extrait de la réponse de Dumas. « Vous me dites que nous devons, depuis quarante ans, un tribut à votre roi. La nation française n’a jamais été soumise à aucun tribut ; il m’en coûterait la tête si le Roi de France, mon maître, était informé que j’eusse consenti à payer un tribut à qui que ce soit.

    « Quand les princes du pays donnèrent aux Français un morceau du territoire sur les sables du rivage de la mer, pour y bâtir une ville et une forteresse, ils n’exigèrent pas d’autre condition que le respect des pagodes et de la religion du peuple. Quoique vos armées n’aient jamais paru dans notre voisinage, nous avons toujours fidèlement observé ces conditions ·

    « Vous dites que vous avez ordre de prendre possession des forteresses de Gingi et de Trichinopoly. Cela est bel et bon, tant que cela ne vous oblige pas à devenir notre ennemi. Tous les Mogols qui ont été maîtres ici ont traité les Français avec amitié et distinction. Nous n’avons reçu d’eux que des faveurs. En vertu de cette amitié, nous avons donné asile à la veuve du dernier nabab, Dost-Ali-Khan, et à toute sa famille.

    « Devions-nous lui fermer nos portes et la laisser errer dans le pays ? Des hommes d’honneur sont incapables d’une telle lâcheté. La femme de Chunda-Sahib est aussi venue ici avec sa mère et son frère, et les autres ont gagné Arcate.

    « Vous m’avez écrit de livrer à vos cavaliers cette dame, son fils et les richesses qu’elle a apportées ici. Vous, qui êtes noble, généreux, plein de bravoure, que penseriez-vous de moi, si j’étais capable d’une pareille bassesse ? La femme de Chunda-Sahib est dans Pondichéry sous la protection du Roi de France, mon maître, et tous les Français qui sont dans l’Inde mourraient plutôt que de vous la livrer ·

    « Vous me menacez, en finissant, que, si je ne cède pas à vos demandes, vous amènerez vous-même vos armées ici. Je me prépare de toutes mes forces, à vous bien recevoir, à bien mériter votre estime en vous montrant que j’ai l’honneur de commander à la nation la plus brave du monde, qui sait se défendre avec intrépidité contre ceux qui l’attaquent injustement. Pardessus tout je place ma confiance, dans le Dieu tout-puissant, devant qui les plus puissantes armées sont comme la balle que le vent emporte. J’espère qu’il favorisera la justice de notre cause. J’ai appris ce qui est arrivé à Bassem, mais cette ville n’était pas défendue par des Français. »

    (Mémoires dans les archives de la Compagnie des Indes.)