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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/106

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sa tête ; et reprend sur un autre ton, de sa voix médicale :

— Je ne pourrai pas venir demain ; je dois opérer un blessé, à mon ambulance… Attendez-moi après-demain seulement… D’ailleurs, l’état de votre mère est stationnaire, et bon… Elle n’a pas de fièvre : excellent signe.

Tout à coup, Laurence, toujours préoccupée de Bessie, s’écrie :

— Et moi qui l’ai laissée partir pour T… en avion, afin de prévenir François ! Si j’avais su que c’était une femme, je n’aurais pas consenti à la voir s’exposer aussi follement…

Jack l’interroge. Renseigné, il médite quelques instants ; puis déclare, sceptique :

— Agit-elle par dévouement ou par toquade ? Je parie qu’elle l’ignore elle-même. Elle a le cœur si romanesque et l’esprit si aventureux… Courir un risque mortel, peut-être, pour vous qu’elle connaît à peine et pour un jeune homme qu’elle ne connaît pas… En toute impartialité, que pensera d’elle votre frère s’il devine son sexe ?

— Oh ! lui… ça l’enthousiasmera… Songez qu’il a vingt-deux ans, la tête chaude et l’imagination vive.

— Vous ressemble-t-il, physiquement ?

Laurence rougit violemment. Cette question de Warton signifie : " Est-il séduisant, lui aussi ? »

La jeune fille et le chirurgien se sont compris ; la même pensée traverse leur esprit : « Si Bessie avait jamais la tentation d’être infidèle ?… » Alors ?

Une espérance inavouée adoucit la mélancolie de leur adieu.