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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/143

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D’une voix brève et distraite qui prononçait à peine les mots de bienvenue.

Bessie, rêveuse, l’étudiait passionnément. Son instinct jaloux l’avait affinée, lui donnant une subtilité et une lucidité plus aiguisées. Peu à peu, elle pénétrait la pensée intime de Warton :

« Il ne m’aime plus, mais il obéit à un scrupule de conscience qui lui interdit de me reprendre sa parole. »

Cette idée l’irritait singulièrement : intransigeante, Bessie n’était pas de celles qui pardonnent une défection. Elle eût préféré une rupture catégorique à cette fidélité si humiliante où l’amour n’entrait pour rien.

Délibérément, elle s’assit en face du chirurgien ; puis, le scrutant d’un regard attentif, elle commença, en s’efforçant de prendre un ton dégagé :

— Je suis bien. Ce n’est pas ma santé qui est non satisfaisante… Jack, je suis venue peur vous parler de mademoiselle d’Hersac.

Le chirurgien fronça imperceptiblement les sourcils ; son visage s’inclina ; et il parut prodigieusement intéressé par le coupe-papier d’argent ciselé que ses doigts tripotaient nerveusement. Bessie suivait tous ces signes avec une anxieuse lucidité. Elle poursuivit :

— Je crois miss Laurence très atteinte…

La figure de Jack se redressait brusquement ; dans ses clairs yeux gris passait une lueur d’inquiétude interrogative.

Miss Arnott regarda fixement son fiancé ; et déclara :

— Je pense, vous devez allez l’examiner… car j’ai peur qu’elle ne tombe malade…

Le même geste de dénégation chez Warton