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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/152

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« Permettez-moi de vous dire — très sérieusement — que je partirai avec votre souvenir au fond des yeux : vous savez que notre regard pose longtemps encore une auréole lumineuse, lorsqu’il s’est arrêté trop fixement sur un rayon… Merci d’avoir mis un peu de clarté dans ma nuit, d’un geste qui évoque à mon esprit le geste même de votre grand pays jetant ses étoiles symboliques sur le noir manteau de notre France en deuil. Et croyez, Mademoiselle… »

Bessie n’acheva point de lire cette lettre.

— François d’Hersac est mort !

La nouvelle l’atteignait au milieu d’une lutte morale, à la façon d’une pierre tombant au fond de l’eau : le choc y remue des couches profondes ; ce qui stagnait en son lit remonte à la surface. Ainsi l’émotion pénétrait l’âme de Bessie et la forçait de démêler ce qui s’agitait dans ses profondeurs troubles.

Une hâte lui venait de courir rue Vaneau.

— Il faut avertir cette malheureuse.

Mais elle savait bien que ce n’était pas uniquement le devoir d’accomplir sa pénible mission qui la poussait avec cette nervosité fébrile vers la maison de Laurence.

Depuis qu’elle avait quitté le chirurgien sur cette sortie violente, miss Arnott, chagrine, indécise et troublée, ne savait que résoudre : fallait-il aller jusqu’au bout du geste de rupture ? Sa jeune fierté rebelle l’y déterminait. Atrocement blessée par l’injure qui lui était faite — et si honnêtement de la part des complices non coupables qu’elle n’avait même pas la consolation de se plaindre d’une félonie — Bessie voulait extirper d’elle cet amour dont elle avait honte à présent.

Elle murmurait, toujours pittoresque en ses comparaisons :