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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/32

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pelle les heures d’intimité tendre de sa petite enfance choyée. Elle balbutie :

— Oh ! maman, maman…

Et sa prière achève mentalement : « Tu ne vas pas mourir, dis ? Je ne veux pas que tu meures. »

D’un sursaut d’énergie, elle est debout, réagissant déjà — car, il faut agir. Elle questionne d’une voix brève :

— Le médecin ?

La vieille Maria s’épanche en lamentations. Madame refuse de recevoir un médecin quelconque. Elle demande son docteur habituel.

— Mais le docteur Martin est mobilisé, maman…

Laurence n’insiste pas devant le regard obstiné de la malade, ce regard d’enfant têtu où l’intelligence s’éteint, atrophiée par la souffrance. À quoi bon raisonner ?

Elle dit simplement :

— C’est bon. Je vais le chercher.

Une sorte de fièvre s’empare de Laurence. Elle hésite, entre le désir de demeurer auprès de sa malade et le besoin d’aller n’importe où, de courir, de tenter les plus folles entreprises, d’échapper par l’action à ce sentiment d’irréparable qui l’étreint en face de ce lit !

Elle redescend avec une sorte de résolution farouche. Ses pas la conduisent au domicile du docteur Martin. Elle questionne le concierge pour connaître la destination actuelle du médecin. Elle apprend qu’il dirige une ambulance militaire au Perray. Le Perray ?… Seine-et-Oise… Elle écoute à peine le concierge qui lui indique des heures de train et parle de la gare Saint-Lazare. Sa fébrilité la pousse vers la première station d’autos.