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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/31

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V

La marquise d’Hersac est couchée dans le grand lit où sont nés François et Laurence, où va mourir leur mère. Ce qui fut drap nuptial doit finir en linceul.

Dans la ruelle, Maria, la vieille femme de chambre demeurée seule en service par dévouement, veille sa maîtresse en retenant ses larmes d’un reniflement rauque. Ce bruit seul trouble le silence ; et Laurence s’étonne de sentir, dans un pareil moment, ses nerfs agacés par ce petit détail.

La jeune fille est terrifiée par le changement subit survenu chez la malade. Depuis quelque temps, sa mère déclinait ; mais c’est en quelques heures seulement qu’elle a pris ce masque insensible au regard fixe, aux traits tirés, au teint d’un jaune accentué. Le Mal — le Mal affreux — a déjà jeté son empreinte à tel point sur cette figure que Laurence a peine à y retrouver le visage familier. Et devant cette pauvre créature méconnaissable qui fut la maman alerte au bon sourire aimant, Laurence est prise d’une défaillance affreuse ; elle suffoque, incapable de réprimer la crise nerveuse proche…

En entendant sa fille, Mme d’Hersac s’est ranimée ; de sa main tendue vers la tête brune qui s’incline, elle esquisse la caresse accoutumée des doigts qui effleurent les cheveux… Laurence éclate en sanglots, atrocement émue par ce geste ébauché qui lui rap-