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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/47

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d’un triste pressentiment, lui demanda :

— Vous n’avez aucun espoir ?

Le docteur la considéra longuement, puis déclara avec effort :

— Je vous connais depuis trop longtemps pour employer à votre égard des ménagements inutiles… Il est nécessaire que vous sachiez la vérité. Non, je n’ai pas d’espoir : votre pauvre mère est atteinte d’une tumeur cancéreuse… ce n’est qu’une question de temps.

— Il n’y a rien à faire ?

— Il n’y a qu’à la soulager.

— Mais d’où provient cette terrible affection ? On n’a jamais eu de cancer dans sa famille, dans ses antécédents… et elle était si saine !

Le médecin répliqua gravement :

— Elle vient de passer de rudes épreuves, et elle a cinquante ans… Je ne partage pas l’opinion de mes confrères qui nient l’influence néfaste des tourments sur notre organisme. Mourir de chagrin : ce n’est pas seulement une phrase de romance, c’est aussi un terme exact, d’une triste réalité. L’impératrice Joséphine mourut d’une angine cancéreuse. Quand Napoléon, au retour de l’île d’Elbe, interrogea son médecin Horan :

— « Quelle a été la cause de la maladie de l’Impératrice ? »

— « L’inquiétude, sire… le chagrin, répondit le docteur Horan. » Vous voyez donc, mademoiselle, qu’il y a des précédents historiques qui justifient mon appréciation médicale.

— Bien, docteur… Je vous remercie de votre franchise.

Laurence reconduisait son médecin avec un sang-froid inattendu, une figure impénétrable que les sourcils froncés barraient d’un pli dur.