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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/86

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Laurence ébauchait un geste découragé, n’attendant plus rien de cette visite : le docteur Martin était déjà venu la veille et l’avait navrée par son pessimisme que justifiait l’état de la malade.

Mais, en entrant au salon, elle eut une surprise agréable : ce n’était pas son médecin habituel, c’était Jack Warton qui s’y trouvait. Le chirurgien lui inspirait une confiance irraisonnée ; auprès de lui, elle avait une impression de sécurité : il lui semblait que sa présence dût écarter le malheur. Et, trop occupée pour avoir le temps de méditer ses sensations, elle ne soupçonnait pas que l’élan qui la poussait vers Jack n’était qu’une manifestation de cette émotion amoureuse que suscite invinciblement la pensée de la mort et que François ressentait de même qu’elle, à ce moment même, pour cette cause même.

Il est dangereux qu’une séduction passe à votre portée, à cet instant suprême : car toute passion se décuple, invinciblement.

Or, Jack Warton, célèbre, sympathique, très beau de traits, mais possédant par-dessus tout cette beauté supérieure que la puissance intellectuelle imprime au visage des penseurs, eût attiré l’attention de Laurence en tout temps ; connu en cette période exceptionnelle, il avait subjugué entièrement cette âme frémissante de passion douloureuse, ému ces nerfs exacerbés de souffrance qui vibraient au moindre souffle comme une corde éolienne.

Amour d’autant plus perfide que Laurence n’en avait point conscience encore, attribuant