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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/91

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Et elle répétait avec ferveur :

— Du moment que c’est vous ! Ce fut à cette minute seulement que Jack fut traversé d’une brève intuition, après s’être demandé naïvement : « Pourquoi lui ai-je inspiré une telle confiance, puisqu’elle ne m’a jamais vu à l’œuvre ? »

L’accent passionné de Laurence le pénétrait jusqu’à l’âme et le troublait étrangement, sans qu’il pût s’en défendre.

Telles ces maladies qu’il venait de décrire, l’amour aussi procède insidieusement par infiltrations lentes, silencieuses, progressives ; envahissant le viscère entier sans se manifester ; jusqu’au jour où le premier élancement de douleur nous révèle notre mal… Il est trop tard pour le guérir : le cancer du cœur ne s’opère pas.

XIII

Warton s’était prononcé pour l’opération rapide. Le docteur Martin, consulté, acquiesçait avec une indifférence narquoise. Et le jour du supplice arrivait.

« Mon Dieu ! pensait Laurence. Comme tout se précipite : c’est déjà pour aujourd’hui ! »

La fuite vertigineuse des minutes l’oppressait. Lâchement, elle eût voulu arrêter le temps avant, l’instant fatidique de destruction ou de résurrection.

— Vous ne serez pas nerveuse ? questionne — ou recommande — Warton.

Car Laurence va assister à l’opération. En plus du médecin, le chirurgien a besoin de l’aide d’une infirmière : tout s’est décidé trop tard et trop vite pour qu’on puisse — en temps de guerre — en trouver une séance tenante. Laurence a imploré la faveur atroce de continuer à soigner sa mère, jusqu’au bout. Elle a juré d’être calme…