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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/92

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Et elle reste calme, en effet.

— Non, docteur, pas nerveuse.

Elle a dompté ses nerfs, d’un effort héroïque. Son visage blême demeure impassible et ses yeux angoissés éteignent leur flamme sous le rideau protecteur des paupières baissées.

Sans un mot, ils se préparent avec le recueillement qui précède les drames.

Laurence passe son sarrau de garde-malade. Warton retrousse les manches de sa chemise blanche et savonne longuement ses bras vigoureux, ses poignets nerveux, ses longues mains puissantes aux phalanges osseuses. Laurence se sent défaillir en regardant ces mains qui vont…

On a dressé la table opératoire dans la salle de bains. Sur une commode, s’étalent les outils du praticien : pinces, ciseaux, bistouris : où que se portent ses yeux, Laurence frémit d’appréhension.

Warton a fait transporter la malade sur un lit roulant.

— Donnez le chloroforme, ordonne le chirurgien.

Le médecin déroule un tube de caoutchouc, applique le masque sur le visage amaigri de la patiente. La maladie a décharné sa mère à tel point que Laurence voit distinctement battre les artères à fleur de peau : au cou, aux poignets, par petits chocs rapides, irréguliers, qui soulèvent l’épiderme : ces battements, ce sont les battements de la vie même, cette vie précieuse, fragile, éphémère… Hypnotisée, Laurence les surveille d’un œil fixe, compte machinalement leur tic-tac, en répétant tout bas : « Ne t’arrête pas… ne t’arrête pas… ne t’arrête jamais, petit mouvement de vie ! »