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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/278

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accueille une jolie femme, comme la manière dont la reçoit un ancien ministre. Pour un peu, je me croirais chez Léon Brochard.

Le garçon ouvre une portière capitonnée. Nadine passe la première ; je la suis, le cœur battant… J’ai posé mon enjeu sur une carte inconnue : vais-je retourner un atout ?

Un grand bureau clair, à deux fenêtres. Les lettres lumineuses traçant le nom de l’Agioteur, au dehors, traversent les volets d’une buée aveuglante. Des appliques électriques égaient les murs couverts d’esquisses, de gravures, d’estampes.

M. Yves s’avance vers nous.

Je le dévisage, d’un regard perçant : c’est un homme d’une quarantaine d’années ; grand, mince, vêtu élégamment — complet bleu marin, cravate mordorée — il porte le monocle comme feu Talleyrand, duc de Sagan, et coiffe ses cheveux cendrés en bandeaux aplatis à la Maurice Barrès ; ses yeux d’un bleu verdâtre, un peu faux, fuient perpétuellement, ne s’arrêtant sur rien ; sous la moustache fine, ses lèvres s’accusent à peine, étroites, décolorées ; le menton rasé est énergique, carré, volontaire.