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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/317

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Il cherche à m’imposer, le patron ; peine perdue : le souvenir de Léon Brochard empêche que la majesté de ce personnage n’exerce son prestige à mes yeux. Je comprends maintenant le mépris que les courtisanes rendent à leurs amants : lorsqu’on veut conserver ses illusions sur elle, il ne fait pas bon contempler l’Humanité en robe de chambre. Je commence donc paisiblement :

— Mon Dieu ! monsieur, si vous estimez que ma visite soit un honneur pour vous, félicitez l’Affaire Colin de vous l’avoir value.

M. Bouvreuil fronce les sourcils. L’ironie est une méthode qui n’a point l’heur de lui plaire ; de plus, il eut rarement à jouter contre un adversaire féminin : il ne peut prévoir le jeu de ma lance. Il se décide pour l’attaque :

— Madame, vous avez tellement insisté que je me suis résolu à vous recevoir, bien que mon temps soit précieux… On accueille toujours une dame, par simple courtoisie… Mais si j’avais supposé que ce fût uniquement dans l’intention de m’entretenir de l’Affaire Colin, j’aurais jugé à propos de nous épargner un dérangement… réciproque.

Je rétorque avec douceur :