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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/316

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vreuil tripote ma carte du bout des doigts et l’inspecte, épelant les six lettres de mon nom avec un air d’ignorance parfaitement jouée. Nicole ?… Cela ne lui dit rien. Il est le seul homme de Paris qui semble ne pas savoir que je suis la maîtresse de Paul Bernard, et qui n’ait pas fredonné « La liquette à M’sieur Léon ». Renaudel ? Watelet ? Pourquoi cette inconnue a-t-elle accolé leurs deux noms ? M. Bouvreuil paraît véritablement à cent lieues de s’en douter ; sa figure surprise exprime une incompréhension notoire. Il est bien mal renseigné, le directeur de l’Agioteur, du journal le « mieux informé du monde entier » !…

— Asseyez-vous, madame.

M. Jules Bouvreuil parle d’une voix froide et métallique qui tinte — sèche et nette — comme une pièce d’argent sur un comptoir. Haut, raide, maigre, il redresse sa mince tête blanche avec un geste conventionnel, une attitude de statue en redingote : il évoque assez l’un de ces bonshommes politiques de marbre, plantés au milieu des squares.

Je m’installe dans un fauteuil. M. Bouvreuil interroge, toujours glacial :

— À quoi dois-je l’honneur ?…