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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/99

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triste, lorsqu’on n’a pas vingt ans, de vivre au milieu de gens âgés : on finit par s’imaginer qu’on va attraper leurs rides, comme on a peur de loucher en regardant trop longtemps un bigle. Julien est si beau, lui… Il m’a dit qu’il m’aimait ; j’ai bien senti qu’il était sincère, et Fraülein a tort de prétendre que c’est son père qui souhaite ce mariage à cause de ma dot… Julien m’aimait vraiment. Alors, vous comprenez, le jour où, sans raison, ses manières ont changé, où il est devenu distrait, indifférent, presque bourru avec moi : j’ai été glacée, j’ai éprouvé un vide affreux… Je me suis vue seule, soudain, atrocement seule, malgré tout le monde qui m’entoure : j’ai retrouvé là une impression désespérée de ma vie de bébé, un soir que ma bonne m’avait égarée aux Tuileries, et que je connus l’angoisse d’être doublement isolée parmi la foule étrangère… À la fin, j’ai questionné Julien, je lui ai fait des reproches : il a pris son chapeau en disant : « Je vois que vous cherchez une rupture : je vous rends votre parole. »… Alors, j’ai bien supposé qu’il s’était épris d’une autre femme. Et, comme ce jour-là il avait une cravate neuve, un drôle de parfum sur son mouchoir, qu’il