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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/390

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le charme de l’histoire

journaux, était commenté par tous les lecteurs, et peut encore être précieux aujourd’hui pour nous apprendre quel était le courant d’idées qui agitait leurs contemporains. La lettre n’a rien de confidentiel ; elle est exclusivement politique, littéraire ou scientifique. Quel peut être l’intérêt, le droit de la famille à empêcher qu’elle ne soit publiée ?

Ces questions se sont souvent présentées dans la pratique, et, par dérogation au principe général, la jurisprudence française a admis que les tribunaux sont compétents pour apprécier, soit le caractère du personnage, soit le caractère de la lettre ; pour peser l’intérêt de la famille et celui du public.

Quelle que soit notre répugnance à laisser ainsi aux tribunaux, dans des matières aussi délicates, un droit arbitraire d’appréciation, il nous paraît impossible de le leur refuser. La loi aveugle, statuant sur des cas généraux, ne peut prévoir ces mille nuances qui donnent à chaque espèce sa physionomie particulière et que le juge du fait est seul en mesure d’apercevoir. Prétendre s’en tenir à une règle absolue, applicable sans distinction à des circonstances si diverses, ce serait, pour éviter l’arbitraire, tomber à chaque instant dans l’inique et dans l’absurde. Par la force des choses, les tribunaux sont les gardiens naturels de nos intérêts moraux comme de nos droits pécuniaires, et ce pouvoir, que nous réclamons pour eux, la juris-