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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/111

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sit dans la bouche une goutte de la bienfaisante liqueur.

Celui-ci fit un mouvement et porta sa main à sa poitrine. Une expression de terreur indicible envahit ses traits : — Les corbeaux ! balbutia-t-il, et il s’évanouit de nouveau.

— Allons ! se dit Isacesco, un Roumain n’abandonne pas un Roumain !

Et, rechargeant son ami sur des robustes épaules, il commença à gravir lentement l’autre versant de la vallée. La descente avait été peu aisée, la montée fut pénible. Isacesco se heurtait à chaque instant aux aspérités du sol, plus souvent encore aux monceaux de corps que de vieux troncs d’arbres retenaient accrochés. Il servait de point de mire aux carabines turques ; une balle perça d’outre en outre sa càciulà, une autre traversa la manche de son uniforme. Le moindre faux pas pouvait amener une chute fatale au courageux Valaque, mais une puissance mystérieuse semblait le protéger, et, après une demi-heure d’angoisses et d’efforts inouïs, il atteignit le sommet du talus.

Quand il se vit en rase campagne, il se sentit sauvé, et, présentant la gourde aux lèvres contractées de Rélia toujours évanoui, il interrogea, avec une tendresse fraternelle, les traits décolorés de son ami.

— Pauvre garçon ! fit-il, encore dix minutes et ce sera fini !

Une larme, vite essuyée, brilla dans l’œil du soldat.

— Il était bon, s’il n’était pas brave, ajouta-t-il comme pour justifier un moment de faiblesse.

Quelques chevaux, pauvres bêtes sans maîtres, erraient autour de lui ; et, murmurant ce mot magique « puiu »[1],

  1. Prononcez pouiou. Mot d’amitié familier aux Roumains