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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/119

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quittait pas son chevet ; la main mutilée du capitaine Vampire était suspendue au-dessus du malheureux halluciné qui croyait entendre le bruit des gouttes de sang tombant une à une sur son front ; bientôt les draps, les rideaux, tout lui paraissait rouge.

— Liatoukine ! criait-il, il est là ! chassez-le !

Il s’enfuyait de son lit et trois hommes vigoureux avaient peine à terrasser le visionnaire affolé. Ses cris incessants troublant le repos des autres malades, on le relégua dans une chambre éloignée. Une nuit, il lui sembla que le capitaine Vampire lui coupait le petit doigt et en arrachait la bague de cuivre ; puis une chimère plus douce vint l’abuser : Mariora lui tendait les bras.

Il reprit l’usage de ses sens le jour de la Toussaint.

— Eh bien ! mon petiot, lui dit l’infirmier avec un bon sourire, nous nous réveillons enfin !

Ioan leva son regard indécis sur le brave homme : — Et la redoute ? balbutia-t-il.

— Quelle redoute, mon garçon ?

— Grevitza.

— Tu parles du déluge ! Il y a beau temps qu’elle est prise.

— Ah ! fit Isacesco qui mit sa main sur ses yeux, comme pour rassembler ses vagues souvenirs : — Où est Mitica Sloboziano ? ajouta-t-il après une pause.

— Quel officier est-ce, mon enfant ?

— Ce n’est pas un officier, c’est un soldat.

— Ah ! alors nous ne savons pas, fit le bonhomme en arrangeant les oreillers d’Isacesco.

— Et… le prince Boris Liatoukine, où est-il ? reprit celui-ci.

L’infirmier loucha malicieusement.