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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/121

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doré, découpée en forme d’étoile et fixée au bout d’une perche. Cette lanterne, qui a la prétention de représenter l’astre conducteur des rois d’Orient, projetait un long rayon bleuâtre sur l’épaisse couche de neige que les pas pressés des petits mages faisaient craquer régulièrement. Le froid était très-vif. Le vent de Russie, le crivetzù commençait à souffler et menaçait à chaque instant d’éteindre l’étoile, au grand plaisir des enfants qui s’empressaient de l’abriter sous leurs chaudes pelisses de peau de mouton, en poussant des cris de joie et des éclats de rire. Certes, les jeunes boyards réunis autour de l’arbre de Noël, chargé de jouets splendides, ne riaient pas d’aussi bon cœur que ces fils de manants défendant leur lanterne de papier.

C’est ce que pensait un homme qui cheminait péniblement sur la route de Bucharest.

Le malheureux boitait de la jambe gauche et s’aidait d’un bâton.

— Et moi aussi, j’ai chanté ! Et moi aussi, j’ai ri ! soupira-t-il tristement comme les petits Roumains passaient près de lui. Il enfonça brusquement sa càciulà sur ses yeux, et, apercevant un groupe de paysans qui se rendaient à la veillée, il quitta le sentier et se glissa derrière un gros chêne : il ne voulait pas être reconnu. Hélas ! sous les haillons en lambeaux qui couvraient à peine le corps du pauvre estropié, qui eût deviné Ioan Isacesco ?

Le dorobantz, que sa blessure rendait désormais impropre au service militaire, avait été renvoyé dans ses foyers. Ses foyers ! Quand il les avait quittés, jeune et plein d’espoir, le bonheur, l’amour, toutes les prospérités y étaient assises ; il revenait, désabusé, vieilli, appelant le passé un rêve et refusant de croire à l’avenir !