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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/126

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venir, ni mon amour pour elle ; j’emmènerai mon vieux père et…

— Ton père ? s’écria Zamfira douloureusement surprise.

— J’emmènerai mon père, reprit Isacesco. Où est mon père ? demanda-t-il tout d’un coup.

— Comment ! tu ne sais pas ?… Ah ! ton père…

— Eh bien ! achève.

— Il est mort !

— Mon père est mort ! répéta-t-il d’une voix assurée : je le pensais ! Heureux sont les morts ! ajouta-t-il gravement. Pas une larme ne brilla dans ses yeux, il eut à peine un regret dans son cœur. Pourquoi aurait-il pleuré ? Qui aurait-il plaint ? Le vieux Mané ? N’enviait-il pas cette absence de pensées, cette éternelle insensibilité des morts ?

— Adieu, Zamfira ! dit-il résolument, et, comme il s’éloignait avec rapidité, la voix tremblante de la Tzigane le rappela.

— Isacesco ! cria-t-elle, où est Mitica ?

— Je ne sais pas ! répondit-il machinalement, et il disparut dans les tourbillons de neige que le crivetzù déchaînait sur le village.

Il courut droit au cimetière, poussa la porte qu’un simple loquet retenait fermée et avec un éclat de voix sauvage qui retentit étrangement dans la nuit silencieuse : — Mané Isacesco, s’écria-t-il, repose en paix : ton fils t’a vengé !

Pendant huit jours, Ioan vécut comme un paria, traînant sa misère parmi les splendeurs de Bucharest. La vie des camps l’avait endurci aux souffrances corporelles ; il passait la nuit dans quelque ruelle déserte où les chiens faisaient la ronde à défaut des patrouilles ; le